Le gouvernement fédéral s’est accordé pour tripler les capacités éoliennes en mer du Nord. Cet objectif ambitieux nécessitera de renforcer les réseaux à haute tension (Ventilus, Boucle du Hainaut). Une interconnexion offshore ferait baisser la facture d'électricité.
Le gouvernement fédéral souhaite tripler la capacité actuelle des éoliennes en mer pour la porter à 5,7 GW.
Deux zones sont actuellement dédiées aux parcs offshore en mer du Nord belge (illustration ci-dessous). La première zone comporte 9 parcs éoliens, tous opérationnels depuis 2020, pour une puissance totale installée de 2,2 Gw.
La deuxième zone, baptisée “Princesse Elizabeth”, qui fera bientôt d’un appel d’offres, devait initialement accueillir 2 GW : le gouvernement a décidé d’augmenter l’objectif à 3,5 GW.
Cela pourra se faire grâce à des éoliennes plus hautes et plus puissantes, suivant les progrès actuels de la technologie éolienne offshore.
Au total, l’éolien maritime atteindra d’ici 2030 une capacité suffisante pour couvrir la totalité de la consommation d’électricité de tous les ménages belges.
Avec cette extension, les parcs éoliens en mer reprendraient alors le flambeau des centrales nucléaires en tant que principale source de production d’électricité dans le pays.
Ce développement pourra se faire avec très peu de subsides.
Montée en puissance
Cette montée en puissance de l’éolien offshore s’explique notamment par les progrès technologiques fulgurants ces dernières années : la plupart des turbines belges actuelles affichent 3 MW, avec un record à 9,5 MW ; mais demain on installera des machines de 13 à 15 MW voire plus.
Par ailleurs, la deuxième zone offshore prévoit la construction d’une île énergétique (hub), qui permettra l’interconnexion avec les parcs éoliens offshore des pays voisins (Pays-Bas, Grande-Bretagne, Danemark, …), ce qui permettra une grande sécurité d’approvisionnement en éolien (lire notre article La Belgique bientôt interconnectée avec le Danemark ?).
Faire baisser le coût de l’électricité
Le Bureau du Plan a précisément publié une étude sur l’interconnexion avec les parcs éoliens offshore des pays voisins.
Conclusions : Une île énergétique ferait baisser les coûts de l’électricité ; tandis que les centrales au gaz classiques avec un système de capture du CO2 ne seraient pas compétitives.
10.000 emplois
La Belgian Offshore Platform (BOP), fédération qui réunit les acteurs belges de l’éolien maritime, plaidait précisément pour un objectif de 6 GW, et non 4,4 GW comme initialement prévu.
Elle s’appuie pour cela sur une étude réalisée par Climact : “Les résultats de cette étude montrent que des développements supplémentaires de l’éolien en mer en Belgique pourraient créer 10.000 nouveaux emplois, et que le secteur pourrait contribuer jusqu’à 1,5 milliard d’euros au produit intérieur brut de la Belgique. En outre, avec 6 GW d’éoliennes en mer, on peut éviter jusqu’à 6,1 millions de tonnes supplémentaires de CO2 chaque année, par rapport à 4,4 GW d’éoliennes en mer. Cela correspond à l’empreinte carbone annuelle de 380.000 habitants de la Belgique.”
Les ambitions de la BOP semblent donc avoir été entendues par le politique.
Renforcer le réseau électrique
Elia, gestionnaire du réseau électrique haute-tension, a aussitôt réagi dans le journal Le Soir :
“Pour acheminer cette énergie vers l’intérieur des terres, le réseau à haute tension doit être modernisé, tant en Flandre occidentale (raccordement à haute tension Ventilus) que dans le Hainaut (raccordement à haute tension Boucle du Hainaut). Ce sont les deux « chaînons manquants » du réseau.”
Cependant, Elia ne peut pas encore commencer les travaux car elle ne dispose pas encore des permis. « Les travaux eux-mêmes prendront trois ans. On ne peut pas faire plus court. Les plans du gouvernement démontrent une fois de plus la nécessité de renforcer le réseau ».
Toutefois, les retards dans la procédure d’octroi de permis risquent de compromettre le calendrier, les résidents locaux ayant beaucoup protesté. Les nouvelles éoliennes sont censées commencer à produire de l’électricité en 2027. Mais les investisseurs dans les parcs éoliens pourraient se retirer si le renforcement du réseau n’a pas eu lieu à cette date, estime Elia.
Le projet de la Boucle du Hainaut fait effectivement face à une opposition locale et nécessite un dialogue avec Elia, comme l’expliquait Tinne Van de Streaten, Ministre fédérale de l’Energie, dans notre interview.
Trois avantages
Des éoliennes plus grandes et plus puissantes ?
Benjamin Wilkin, directeur de Energie Commune, y voit tois avantages :
« Premièrement l’éolienne produit plus grâce à sa taille. Les pales de l’éolienne qui alimentent le rotor sont plus grandes. De ce fait, elles balayent plus d’air et tournent plus souvent. Il suffit d’une légère brise pour que le rotor s’actionne. Cela permet de produire beaucoup plus sur l’année ce qui permet une plus grande stabilité de production. »
Deuxièmement, ces nouvelles éoliennes apportent bénéfice économique: “elles permettent par exemple d’installer 10 éoliennes à la place de 15, ce qui coûte moins cher pour la même production, voire pour une production plus grande. Moins d’éoliennes signifie aussi un raccordement moindre. »
“Enfin, troisièmement, c’est bon pour l’environnement, car la faune aviaire est moins dérangée par les éoliennes et cela sollicite aussi moins de matières premières, ce qui les rend plus efficaces,” conclut Benjamin Wilkin.
Quelle configuration ?
La montée en puissance pose cependant des questions pratiques. Ainsi, les éoliennes ont un impact les unes sur les autres : une éolienne derrière une autre reçoit moins de vent et donc tourne moins.
Ce phénomène n’existe pas pour des éoliennes isolées, mais bien à l’intérieur dans un parc carré, à la romaine (illustration ci-dessus). Autrement dit, il n’y aurait que les éoliennes de bordures qui pourraient bénéficier d’une réelle augmentation de production liée à une augmentation de puissance.
Selon Benjamin Wilkin, “une solution consiste à augmenter l’écart entre les éoliennes à mesure que leur taille et leur puissance augmente. Mais on doit alors élargir la taille de la zone prévue”. Or il n’est pas encore question d’élargir la zone.
De nombreuses modalités pratiques devront donc encore être définies.