Nos voisins hollandais ont développé un concept-car électro-solaire conçu sur 4 roues-moteurs, avec une autonomie solaire inédite. Analyse.
La Lightyear One a bénéficié d’un grand buzz lors de sa première présentation publique, le 25 juin 2019 à Katwijk aux pays-Bas.
Les informations disponibles sur le site officiel mérite en effet notre attention.
Penchons-nous sur les éléments technologiques qui permettent, selon le constructeur, de « développer une voiture électrique qui se charge elle-même ».
Choisir l’efficience énergétique
Les principes d’efficience énergétiques pour la voiture sont connus depuis longtemps et bien décrits dans l’ouvrage de Pierre Langlois « Rouler sans pétrole » publié en 2008.
On y observe qu’un véhicule thermique utilise entre 13 et 15% du carburant pour avancer, 85% étant simplement perdus dont : 66% en pertes thermiques, 10% au ralenti, 7% en résistance de l’air, 6% en transmission et 4% en accélération/freinage et 7% en éléments divers.
Le passage à une motorisation électrique est le plus grand facteur de gain car on gagne 95% sur les pertes thermiques et le ralenti.
Un véhicule électrique, de gabarit équivalent, consomme donc à l’usage environ 4 à 5 fois moins d’énergie pour un même trajet qu’un véhicule thermique performant.
Figure : Efficience énergétique de la voiture, illustration qualitative. Source : APERe, librement inspiré de « Rouler sans pétrole » de P. Langlois, des communications techniques de Renault Zoe et Lightyear.
Les promoteurs de la Lightyear One ont choisi la propulsion électrique et semblent avoir poussé à l’extrême les éléments résiduels tels l’aérodynamisme, les accessoires et la motorisation, de manière à avoir une consommation finale qui représenterait 67% de la consommation d’une Zoé (jusque 40% d’une Tesla modèle S).
La Lightyear One consommerait 6,5 fois moins d’énergie qu’un véhicule thermique. N’ayant pas encore vu le véhicule en question, nous ne connaissons cependant pas son équivalent thermique.
L’aérodynamisme et le poids
Perfectionné durant diverses courses à l’autonomie solaire, l’aérodynamisme (drag coefficient) de la Lightyear One a été amélioré de 15 à 20% par rapport à la plupart des voitures d’aujourd’hui.
Les matériaux composites utilisés (à grand renfort de fibres de carbones) contribuent à diminuer le poids.
Le moteur : dans les roues
Le grand saut technologique de la Lightyear One, par rapport aux véhicules électriques existants, est sans aucun doute le passage d’un moteur central à 4 moteurs décentralisés, logés dans les roues.
Illustration du moteur-roue, repris de l’ouvrage « Rouler sans pétrole ». Dessin 3D de Pierre Langlois, avec son aimable autorisation.
Tesla avait déjà amorcé partiellement ce concept en décentralisant le bon vieux moteur caché sous le capot vers 2 moteurs électriques directement connectés aux axes des roues avant et arrières. Nos voisins hollandais vont plus loin et concrétisent le principe du moteur-roue.
Cette décentralisation maximale, autorisée par le pilotage logiciel centralisé permettant en tout temps une coordination des moteurs, génère une diminution de poids de même qu’une diminution des pertes énergétiques, liées à l’absence d’arbres de transmission.
Le moteur-roue permet de gagner, en théorie, environ 25% de rendement par rapport à un moteur électrique sur arbre de transmission.
Développé par Ferdinand Porsche en 1899, le moteur-roue a été revisité par Hydro-Québec au milieu des années 90 mais abandonné à la suite du désintérêt des constructeurs automobiles.
Mais depuis lors, Tesla a relancé le concept ; tandis que le coût des panneaux photovoltaïques a chuté au 10ème du prix, ce qui ne change rien pour la technologie mais tout dans les mentalités.
Ceci étant dit, selon certains analystes dont Pierre Langlois, le concept de moteur-roue serait aujourd’hui supplanté par une autre innovation : la conduite à une pédale (« one pela driving ») et son freinage régénératif (lire l’analyse comparative de Pierre Langlois).
Le solaire : bien plus qu’une cerise sur le gâteau
Le photovoltaïque intégré sur véhicule n’est plus une anecdote, comme l’expliquait déjà Renouvelle fin 2017 (lire notre article Nous avons testé la Sion, une voiture électrique connectée au soleil).
L’Agence Internationale de l’Energie s’y intéresse d’ailleurs de près via son Programme Technologique Collaboratif IEA-PVPS (lire notre article L’Agence Internationale de l’Energie se penche sur la voiture solaire).
Aujourd’hui, il est évident que les effets combinés de la performance du véhicule électrique – entre 7 et 10 kWh/100 km annoncés pour la Lightyear One – avec un usage sobre (20.000 km/an), rendent le photovoltaïque très pertinent voire même principale source d’énergie pour la voiture solaire en été.
Les constructeurs hollandais annoncent une voiture d’une autonomie allant de 600 à 800 km en fonction de la conduite (sur autoroute ou en ville) qui, pour un usage de 20.000 km/an, verrait 37% de sa consommation assurée par l’énergie solaire de sa carrosserie sous un climat hollandais (ou belge).
Un simulateur permet même de connaître la couverture solaire selon la région où circule la Lightyear One.
Au Portugal, le simulateur indique 67% de couverture solaire et 15 recharges maximum (ou encore 133 journées d’autonomie solaire totale durant l’été).
L’exercice jusqu’au bout
L’exercice technologique semble avoir été poussé jusqu’au bout. Au regard des performances réellement atteintes sur route ces dernières années par les véhicules électriques et à l’analyse des performances annoncées par Lightyear One, nous n’avons pas de raison de douter de leur annonce. Nous pourrons le vérifier lors de sa première présentation publique le 25 juin 2019 à Katwijk aux Pays-bas.
Ce concept-car trouve donc toute sa pertinence dans une recherche d’efficience énergétique (diminution du poids et des pertes énergétiques) permettant une plus grande couverture solaire, en contre-pied total avec la logique de l’industrie automobile qui met sur le marché Des voitures toujours plus lourdes et énergivores : à quand une norme européenne ?
D’un point de vue financier, la Lightyear One est peu accessible, avec un prix de départ à 119.000€ HTVA.
Si cette voiture solaire restera réservée à quelques amateurs fortunés et n’a pas l’ambition d’une fabrication de masse, elle nous fait doucement comprendre que se garer à l’ombre devient la mode d’un autre temps…