Nous vous le disions dans un article récent, l’équivalent de près de 99% du bâti wallon devrait être rénové pour répondre aux objectifs de décarbonation de la Région Wallonne. En effet, si l’on prend en considération son état actuel, 48 % des maisons ont été construites…avant 1945. Et 65,80% des logements ont été construits avant 1970. Et, on le verra ci-dessous, même pour les plus récentes, parfois, des mesures sont nécessaires. La région Wallonne, dans sa stratégie de décarbonation, a mis en place une série de mesures et d’aide à la rénovation. Des mesures payantes mais…nécessaires, comme l’illustre l’exemple ci-dessous.
Pour tenter de mesurer la possibilité d’une part, le budget de l’autre, d’une rénovation de maison privée, nous nous sommes appuyés sur un travail réalisé par François Quittet, récent diplômé Ingénieur en construction de la Haute Ecole en Hainaut et en dernière année de Master Ingénieur de gestion à l’UMONS qui, dans le cadre de son mémoire de fin d’étude, s’était penché sur la question.
L’étude portait sur une maison unifamiliale 3 façades de taille moyenne. Nous en avons tiré un exemple concret de rénovation d’une maison de 1950 et avons repris, poste par poste, les améliorations et rénovations qui ont été simulées et chiffrées avec, à chaque fois, le taux de performance énergétique, la consommation finale de chauffage, ainsi que les évolutions de l’indice K ainsi que des Ew et Espec. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La première colonne décrit les points sur lesquels ont été apporté des améliorations avec, au fur et à mesure, la décroissance de déperdition de chaleur et de consommation de chauffage.
Les chiffres des coûts estimés pour ces différentes améliorations datent d’il y a quelques mois et évidemment, les coûts énergétiques aussi. Néanmoins, à l’instant T de l’étude, ils étaient les suivants :
Et quelles primes pour des travaux pareils ?
Ce bouquet de rénovations permet au propriétaire de bénéficier de la Prime Habitation. Pour l’enveloppe du bâtiment, la prime de base de l’isolation des parois (murs, sols, toits) et de remplacement des menuiseries est fixée à 0,15€ par kWh économisé sur les pertes par transmission. Ce calcul est établi sur la base de la différence entre la situation initiale de la paroi avant travaux, et sa situation améliorée après travaux d’isolation. Au plus vous placerez de l’isolant, au plus les économies en kWh seront importantes. Pour les systèmes, cette prime de 0,15€ par kWh économisé sur les consommations théoriques. Comme le tableau 23 ci-dessous le démontre, le ménage avec la catégorie de revenus R4 peut prétendre à une prime de 17.867,65€, contre 35.735,31€ pour la catégorie de revenus R2. (pour définir le type de revenu, reportez-vous au site de la région Wallonne : https://energie.wallonie.be/fr/primes-habitation-a-partir-du-1er-juin-2019.html?IDC=9792 )
Montant des Primes Habitation auquel peut prétendre le propriétaire de la maison type 1950, selon son niveau de revenu
Tenant compte de cette simulation de travaux d’une part, et d’intervention des primes en fonction des niveaux de revenus de l’autre, on arrive à des résultats fort différents. Ce d’autant plus si l’on prend en compte 3 scénarios (dont un très peu probable) à savoir un statut quo des prix de l’énergie (scénario 0), un scénario d’indexation des taux de l’énergie de 1,75 et enfin un autre de 3,5% par an.
On le voit donc, la rentabilité des investissements est, dans près de 50 % des cas, directement liée aux primes. Certes les scenarii de coûts de l’énergie sont contredits actuellement par de fortes augmentations ces derniers mois mais la situation une fois lissée devrait correspondre aux deux colonnes de droite (1,75 à 3,5% d’augmentation annuelle).
L’étude porte sur 30 ans car c’est la durée moyenne de vie des toits, fenêtres et circuits de distribution de chauffage. Par contre, il a également été tenu compte de la nécessité d’investir dans un nouvel appareil de chauffage après 20 ans tout comme il a été pris en compte l’ensemble des frais de maintenance et d’entretien des différents éléments techniques.
A noter toutefois que cet exemple, s’il a ses mérites, a aussi ses limites. A commencer par le fait qu’ici seule la valeur nette des investissements et de leur rentabilité énergétique a été prise en compte. Il est évident que pareilles rénovations auront un réel impact financier sur la valeur globale de l’immobilier et seront donc plus que rentables sur cet aspect-là dès les premières années. Aussi, les conclusions de cette étude dépendent grandement du prix de l’énergie actuel, assez instable. Les simulations effectuées ont ainsi donné un prix du kWh d’électricité assez élevé, qui se justifie par une hausse importante du coût de l’électricité ces derniers mois. L’étude effectuée sur base de ce prix du kWh électrique prend cependant tout son sens au vu des négociations actuelles sur la prolongation du nucléaire et de l’absence de ligne directrice à long terme sur ce sujet. Un dernier élément important (et non des moindres) est celui du fait que dans le cas présent, c’est l’ensemble des travaux nécessaires qui a été simulé. Alors que pour des raisons financières d’une part (à moins d’avoir beaucoup de trésorerie disponible), de logistique opérationnelle ensuite, tout faire d’un coup est assez rare. La logique et les chiffres actuels montrent plus une organisation de travaux par bouquets : (bouquet 1 = toit + châssis ; Bouquet 2 = châssis + système de chauffage ; bouquet 3 = Dalle sur cave + VMC) ce qui permet aussi de répartir les montants des primes sur plusieurs périodes (et souvent années). A l’inverse, dans certains cas, il sera sans doute plus intéressant de coupler plusieurs bouquets afin de rencontrer l’éligibilité de certaines primes. On le voit donc, un cas n’est pas l’autre et nombreuses sont les variantes. L’objectif de l’exemple ici était de donner un aperçu le plus complet possible des améliorations techniques et de leurs conséquences énergétiques d’une part, et de leurs coûts/rendements de l’autre. Une chose est sûre, la planète, elle, continuera à y gagner si ces rénovations et améliorations du bâti continues d’être réalisées, soutenues et financées. C’est même une nécessité. Enfin, une chose non chiffrable et inestimable, c’est le confort et, indirectement, la qualité de vie et donc la santé des familles occupantes qui, indéniablement, s’en verront également améliorés.