L’objectif que s’est fixé l’Europe d’ici 2027 à travers le plan RepowerUE est de sortir de notre dépendance aux énergies fossiles provenant de la Russie dont le gaz naturel.
En 2021, elle en importait 150 milliards de m³ de gaz, soit un peu plus de 40% des importations totales européennes. En 2023, on n’en comptait plus que 43 milliards de m3, acheminés majoritairement par gazoduc, mais aussi par bateau sous forme liquéfiée.
Cette baisse d’importation est le résultat d’une combinaison de décisions politiques :
- Modification des approvisionnements, grâce à l’importation de gaz liquéfié (États-Unis) et par gazoduc (Norvège)
- L’économie d’énergie grâce à l’efficacité et la sobriété
- Le remplacement du gaz par d’autres formes d’hydrocarbures
- Des investissements dans les énergies renouvelables (électricité, chaleur et gaz renouvelable)
Le gaz naturel est principalement utilisé en Europe pour la production d’électricité, le chauffage des habitations, et l’industrie pour des usages non énergétiques.
Le biogaz une solution pour les industries d’Europe
L’électrification de nos besoins de mobilité et de chaleur combinée à une production d’électricité renouvelable permet de réduire notre dépendance aux énergies fossiles, et donc aux importations des pays extérieurs à l’UE.
Mais l’électrification ne sera pas aussi simple pour nos industries, qui ont des besoins spécifiques, en chaleur ou en molécules, soumis à des contraintes techniques de processus qui rendent la transformation complexe. Pour la fabrication du verre plat, par exemple, les fours, qui fonctionnent à plusieurs centaines de degrés, alimenté en gaz pour la combustion, sont arrêtés une seule fois tous les 20 ans pour des maintenances. Un arrêt pour une modernisation de l’appareil industriel pourrait engendrer plus de 6 mois d’arrêts de production.
Intégrer du biométhane dans les industries permettrait de limiter ces changements. Dans la consommation future de nos industries, le biométhane ne serait pas la seule molécule utilisée et serait combiné à d’autres molécules synthétiques produites notamment à partir d’électricité (électrolyse de l’eau). Mais le biométhane reste à ce jour la molécule verte la plus fabriqué en Europe.
Son acheminement jusqu’aux sites industriels pose aussi question étant donné la localisation de son gisement principalement situé en campagne, loin des grands réseaux de transport de gaz.
Le gisement européen et belge
L’Europe dispose d’un potentiel de biométhane encore sous exploité. Il est généralement produit par la décomposition de matière organique issue des fermes, des industries, ou de l’épuration des eaux usées. La capture du CO2 durant la croissance des végétaux qui sont à l’origine de cette matière organique permet de caractériser le biométhane comme étant un gaz à faible impact CO2 (hormis l’énergie qui aura été nécessaire pour l’infrastructure et le transport de ce gaz).
Aujourd’hui nous consommons l’équivalent de 4 milliards de m³ de gaz sous forme de biométhane, et nous brûlons directement dans des cogénérations l’équivalent de 17 milliards de m³ de biogaz.
Dans son dernier rapport, l’association européenne du biogaz a estimé à 44 milliards de m³ la production potentielle de biométhane en Europe, d’ici 2030. Elle l’évalue même à 111 milliards de m³ en 2040 et 150 milliards m³ en 2050. On pourrait ainsi produire jusqu’à 50% de nos besoins actuels en gaz, et donc diminuer la dépendance européenne vis-à-vis de pays exportateurs.
Parmi les solutions de production de biométhane, la biométhanisation anaérobie que l’on peut voir dans quelques fermes wallonnes, semble la plus prometteuse.
Une autre technique moins répandue chez nous se base sur la combustion de matière ligneuse (résidus et déchet de bois) par pyrolyse (en l’absence d’oxygène). Il y aurait plus de potentiel pour cette dernière dans les pays nordiques, ayant moins de surfaces cultivables et une industrie forestière importante.
En Belgique, Valbiom et Gaz.be ont évalué à 15,6 TWh un gisement de biométhane injectable dans nos réseaux, soit l’équivalent de 10% de notre consommation annuelle de gaz naturel. Il dépendrait à la fois de la quantité de matière résiduelle existante (déchets verts, effluents d’élevage, boues d’épuration, etc), des surproductions de cultures dédiées à la biométhanisation mais surtout du réseau de gaz pouvant l’accueillir. Ils ont tenu compte dans leur étude des contraintes d’usage des sols ainsi que des limites techniques, sociales et agronomiques. Les limites imposées permettent de ne pas substituer la production agricole actuelle destinée à l’élevage et à la culture, pour des cultures à vocation énergétique.
Le gisement de biométhanisation injectable dans le réseau de gaz serait réparti à 53% en Wallonie et 46,5% en Flandre, avec une part marginale pour la région Bruxelloise.
En Wallonie, le biométhane pourrait alimenter 50% de son réseau de distribution. Certaines communes rurales, comme Bastogne, pourraient avoir une part de gaz bien plus élevée car elles sont assises sur des potentiels très important. Cependant, le maillage du réseau et la consommation fortement domestique en limitent l’usage, en grande partie, aux besoins hivernaux. D’autres villes comme Liège, Mons et Charleroi utiliseraient tout leur potentiel.
L’avenir du biogaz en Belgique
En Belgique, la biométhanisation serait majoritairement issue des résidus agricoles (80%). Leur transformation en biogaz créerait un modèle circulaire au niveau rural, une économie locale et apporterait plus de résilience aux territoires isolés. Pour cela, le secteur aura besoin d’être soutenu car les coûts de fabrication du biogaz et du biométhane sont encore supérieurs à ceux, plus faibles, des énergies fossiles (encore trop fortement subventionnées). On estime ainsi le coût de production du biométhane entre 80 et 115€/MWh, alors qu’il est aujourd’hui échangé à 20-30€ sur les marchés pour le gaz naturel d’origine fossile.
Bien qu’il s’agisse d’une solution à ne pas négliger pour la transition énergétique, il faut garder à l’esprit que les ressources en surfaces agricoles de notre pays sont 2,5 fois inférieures par habitant comparées à la moyenne européenne. Les utiliser toutes pour la fabrication de biogaz ne suffirait pas à générer plus de la moitié de la consommation de gaz actuelle. Afin de parvenir à la neutralité carbone, il est donc toujours essentiel de diminuer notre consommation énergétique.