Installé à Bastogne, le parc de 10 MW a déjà fourni près de 16 000 MWh de capacité de réglage à Elia. Les développeurs veulent concurrencer les centrales à gaz et intégrer massivement les productions renouvelables dans le réseau.
Les capacités de flexibilité sont des éléments-clef de la transition énergétique car elles permettent de stocker les surplus d’électricité renouvelable quand le soleil brille ou le vent souffle, et de les restituer sur le réseau quand la météo est moins favorable.
Actuellement, ce sont principalement les centrales à gaz qui assurent une flexibilité quand il y a un pic de consommation sur le réseau.
A terme, il s’agira donc de remplacer ces centrales à gaz par des capacités de flexibilité de sources renouvelables.
En Belgique, le premier parc de batteries raccordé au réseau haute tension vient de réussir son démarrage.
Baptisé EStor-Lux et opérationnel depuis le 9 décembre 2021, ce parc de batteries a fourni près de 16 000 MWh de capacité de réglage à Elia, gestionnaire du réseau belge de transport d’électricité haute tension.
Avec une puissance installée de 10 MW et une capacité de stockage de 20 MWh, le parc de 480 modules batteries lithium-ion, installé sur le site d’un data center à Bastogne, est le plus important site de batteries en activité du Benelux en termes de capacité de stockage. Il constitue en outre un des premiers parcs de batteries en Europe offrant une capacité de restitution électrique de longue durée : de l’ordre de 120 minutes soit 2 à 4 fois plus que les systèmes existants.
Cet avantage est déterminant dans la mesure où il permet des activations beaucoup plus fréquentes et plus longues afin d’assurer l’équilibrage du réseau avant que les déviations de fréquence ne se produisent, et non pour compenser ces dernières après leur apparition, ce à quoi se limitent la plupart des batteries actuelles.
En 2 mois de fonctionnement, Centrica Business Solutions, qui est en charge de la valorisation d’EStor-Lux sur les marchés de l’électricité, a participé avec succès à la plupart des enchères de capacité de réglage secondaire du réseau organisées quotidiennement par Elia. Le parc de batteries de Bastogne a ainsi mis à disposition d’Elia une capacité de réglage moyenne (en injection ou en prélèvement) de 10,2 MW qui, intégrée à d’autres sources de capacité flexible, ont permis de contribuer à la stabilité du réseau électrique belge.
Un outil précieux de la transition énergétique
Le développement des énergies renouvelables, fluctuantes et non-parfaitement prévisibles, entraîne un accroissement important des besoins de flexibilité. Une partie de celle-ci doit pouvoir être très rapidement activée (dans l’heure, la minute, voire les 30 secondes) pour compenser les erreurs de prédiction et les arrêts non planifiés de centrales de production.
Les centrales de production au gaz fournissent actuellement l’essentiel de ces sources de flexibilité rapide. De par leurs processus de mise en marche, d’arrêt ou de maintien de charge, cette flexibilité conventionnelle est de plus en plus coûteuse, tant économiquement que sur le plan environnemental. Les projets de stockage électrique par batteries ont l’avantage d’être plus réactifs (activation immédiate), de ne pas avoir de seuil de charge minimal pour fournir de la capacité de réglage et de ne pas émettre de CO2.
Rentable sans subsides
EStor-Lux démontre par ailleurs que le modèle est rentable et qu’il ne nécessite pas de subsides, pour autant qu’il soit structuré de manière pertinente.
Pour Pierre Bayart, CEO de Rent-A-Port Green Energy (Ackermans & van Haaren, CFE, BEWATT) : “Le modèle représente un réel atout pour la transition énergétique. Nous fournissons de la capacité de réglage au réseau à des conditions plus avantageuses que les sources conventionnelles de flexibilité. In fine, c’est dans l’intérêt du consommateur. Mais c’est aussi tout bénéfice pour la planète. La capacité que nous avons fournie en deux mois représente déjà une économie de quelques 18 000 tonnes de CO2 par rapport celle qui aurait été fournie par des centrales à gaz. Au-delà de ce bénéfice immédiat, la solution constitue surtout un pas important vers une transition énergétique complète. A terme, la multiplication de ce type de projets permettra de se passer totalement de centrales de production fossile pour assurer l’équilibrage du réseau, ce qui est indispensable pour arriver à couvrir la demande électrique par un mix 100% renouvelable »
Cédric Legros, Coordinateur de la Plateforme SRIW Energy, explique : « Avec l’accroissement du renouvelable, les périodes de prix faibles sont amenées à se multiplier. Dans ces conditions, forcer les centrales thermiques à tourner à perte dans le seul but d’assurer l’équilibrage représente un coût élevé pour le système. Et lorsque ces centrales ne fournissent plus de capacité flexible suffisante, il n’y a d’autres choix que de rémunérer des consommateurs pour ne pas consommer ou des producteurs de renouvelable pour ne pas produire… Un non-sens économique que les batteries peuvent aider à éviter. »
150 MW à l’horizon 2024
Forts de l’expérience EStor-Lux, les porteurs du projet ont la volonté de répliquer le modèle à plus grande échelle. L’ambition est également de proposer aux consommateurs industriels des solutions de tiers-financement de type « batteries-as-a-service » pour des capacités de plus petite taille, pour leur permettre, entre autres, de maximiser leur autoproduction d’électricité renouvelable.
Cédric Legros, conclut : « Notre priorité reste de développer des capacités qui contribuent à l’équilibrage du réseau, avec un objectif de 150 MW à l’horizon 2024. A terme, quand le renouvelable approchera 50% de la production électrique, soit à l’arrivée des prochains parcs éoliens off-shore, notre ambition est de développer des projets plus importants qui contribueront à la capacité de production proprement dite en transférant l’électricité produite lors de périodes de forte production de renouvelable vers des périodes de pointes de consommation électrique. »