Le véhicule électrique, bien qu’encore timide, nous offre des perspectives technologiques qui pourraient changer le marché de l’énergie renouvelable. À condition d’être bidirectionnel.
Et avec un engouement de plus en plus fort pour le photovoltaïque, c’est un changement qui s’opère dans les habitudes de consommation des citoyens, peut-être futurs prosumers. Entre autoproduction et autoconsommation, ils réapprennent à consommer l’énergie autrement. Pourquoi ne pas essayer d’optimiser encore plus sa consommation d’énergie grâce au chargement bidirectionnel ?
Les véhicules électriques : bidirectionnels ou rien !
Même si elles restent encore marginales, le parc des voitures électriques en Belgique a triplé au cours des trois dernières années (voir graphique ci-dessous). Les modèles sont nombreux et permettent, aux prosumers propriétaires de ce type de véhicule, une optimisation de leur autoconsommation. Mais, pour l’instant, la technologie ne va que dans un seul sens : de votre logement à votre voiture.
C’est là que le petit nouveau débarque : le chargement bidirectionnel. Bien qu’encore très discret, ce concept technologique peut se résumer de la façon suivante : un chargement à double sens, d’un véhicule électrique à votre habitation et vice versa.
Via une borne spéciale de recharge, à installer devant chez soi, il permet plusieurs types de décharge/recharge comme :
Le V2G (Vehicle to Grid) où l’électricité excédentaire de la batterie du véhicule est injectée dans le réseau. Ces véhicules électriques permettraient un rééquilibrage de l’offre et de la demande. En effet, en stationnement, la majorité du temps, ils pourraient désaturer le réseau en se rechargeant au moment des pics de production, évitant ainsi un risque de surtension du réseau. Sorte de batteries mobiles, elles injecteraient aussi leur stock, dans le réseau, aux heures de pointe lorsque la demande est plus forte.
Le V2H (Vehicle to Home), quant à lui, fournit l’énergie stockée à votre réseau domestique, autrement dit : de votre véhicule à votre habitation. C’est donc un réel atout pour l’autosuffisance renouvelable. L’énergie non consommée de celui-ci peut être ainsi utilisée pour éviter de devoir « tirer » de l’électricité du réseau, pendant les heures critiques de demande (donc plus chères), par exemple. Le V2H peut également revêtir le rôle de batterie de secours pour subvenir aux besoins énergétiques en cas de panne dans l’habitation.
Attention aux freins
Mais alors, pourquoi ce système est si peu connu ? Pour pouvoir bénéficier de tous les avantages de la charge bidirectionnelle il existe encore un certain nombre d’obstacles.
Pour le moment, la majorité des véhicules électriques sont unidirectionnels, ce qui veut dire qu’ils transforment le courant continu en courant alternatif. Pour pouvoir transporter l’électricité d’un véhicule électrique à une habitation, il faut donc un intermédiaire pour convertir le courant alternatif en courant continu.
Cela veut dire que le chargement bidirectionnel s’accompagne de besoins spécifiques comme l’installation d’une borne de recharge domestique qui permettrait la conversion des courants. Actuellement les véhicules bidirectionnels sont équipés du standard de prise « Chademo », plébiscité au Japon. Etant donné que les véhicules compatibles avec le système bidirectionnel sont au nombre de 5-6, et principalement japonais, cela ne facilite pas les choses étant donné que le reste du monde plébiscite, lui, les prises CCS.
Le coût d’installation d’une borne de recharge reste encore fort restrictif également, il faut compter environ 5000 euros. En Belgique, une borne certifiée existe chez Wallbox.
Au niveau des normes européennes, il y a encore une trop forte absence de régulation pour harmoniser le développement et l’utilisation des batteries à charge bidirectionnelle ainsi que les bornes nécessaires. Le manque de réglementation n’aide donc pas à l’accélération du déploiement de cette technologie.
Bien entendu, le rêve de la pompe à domicile devra s’accompagner d’une gestion accrue de l’énergie solaire. A ce titre, différents fabricants d’onduleurs annoncent des bornes de recharges bidirectionnelles, qui optimisent la production des installations solaires, le premier devrait-être Solaredge dont la borne devrait être disponible à la mi-mai 2024.
Bien qu’il y ait eu déjà une première installation d’un système de charge bidirectionnelle en Belgique, ici, l’exception ne fait malheureusement pas encore la règle.
Vers une accélération du chargement bidirectionnel
Alors oui, expliqué comme ça, tout cela semble un peu compliqué à développer. Pourtant, l’autoconsommation gagnerait à voir le chargement bidirectionnel se démocratiser. Grace à sa flexibilité, la possibilité d’injecter son « trop plein » d’énergie dans le réseau, aux heures de pointes, permettra d’éviter les trop grands déséquilibres dans la production et la consommation d’électricité renouvelable. N’oublions pas que le chargement de nuit, à un moment de moindre sollicitation, et pour une utilisation ultérieure, évitera de participer à la forte demande en journée (tout dépendant de l’offre bien sûr).
Les véhicules électriques bidirectionnels seraient, en tout cas, plus rentables qu’une batterie de stockage domestique puisqu’on aurait non seulement un véhicule mais également une batterie mobile.
Il ne reste plus qu’à attendre (pas trop, on espère) une accélération pour populariser et rendre accessible le chargement bidirectionnel.