En Europe, les premiers parcs éoliens onshore commencent à atteindre leur fin de vie. La fédération Wind Europe plaide pour adopter une norme internationale sur le démontage, la réutilisation et le recyclage quasi complet des éoliennes, selon les principes de l’économie circulaire.
La durée d’exploitation d’une éolienne onshore tourne autour de 20-25 ans (certains modèles pouvant tenir jusqu’à 35 ans).
Les pays pionniers de l’éolien – Danemark, Allemagne, Espagne, … – commencent donc à voir certains parcs arriver en fin de vie.
Par ailleurs, l’évolution technologique permet aujourd’hui de remplacer des anciennes turbines par des modèles beaucoup plus performants. Ces opérations de « repowering » commencent à se multiplier en Europe, permettant de tripler la production électrique des parcs âgés de 15 ans ou plus.
Se pose dès lors la question du démontage de ces parcs éoliens, de la ré-utilisation et du recyclage des matériaux (illustration ci-dessus).
Le volume de déchets reste aujourd’hui limité mais devrait fortement augmenter dans la décennie à venir. L’Europe compte actuellement 34.000 turbines âgées de 15 ans ou plus, dont environ 9.000 âgées de 20 à 25 ans. Le secteur prévoit par exemple un « repowering » d’au moins 20 GW dans les 10 prochaines années.
L’Allemagne compte le plus grand nombre de GW vieillissants, suivie par l’Espagne, la France et le Royaume -Uni (voir graphique ci-dessous).
En Wallonie, les premiers parcs éoliens commencent également à atteindre leur fin de vie. Un premier « repowering » a eu lieu en 2020 à Sainte-Ode, avec un recyclage quasi complet des matériaux (lire notre article Premier repowering de parc éolien en Wallonie).
Vers une économie circulaire
La fédération Wind Europe prend cette question très au sérieux et vient de publier un Guide destiné aux acteurs éoliens, afin d’inscrire la filière dans une dynamique d’économie circulaire.
L’économie circulaire définit une hiérarchie des opérations de gestion des déchets afin de minimiser l’empreinte environnementale d’une activité économique (voir schéma ci-dessous).
Plus on évite, ré-utilise et recycle des matériaux, moins on extrait de nouveaux matériaux dans des mines. On tend ainsi à respecter les ressources limitées de la Terre.
Chaque pays européen – dont la Wallonie – a adopté un cadre réglementaire pour le démontage des éoliennes en fin de vie, prévoyant la remise en état du terrain (les conditions sectorielles en Wallonie).
Les composants éoliens et les fondations sont ensuite gérés suivant les législations relatives aux déchets (le décret déchet en Wallonie).
Wind Europe plaide cependant pour l’adoption d’une norme internationale afin de renforcer l’économie circulaire au sein de la filière.
Voici un petit tour d’horizon.
Des réutilisations étonnantes
Des initiatives – rares mais inspirantes – montrent qu’il est possible de réutiliser des éoliennes sous forme de mobilier urbain.
Une pale transformée en abri vélo à Aalborg, au Danemark.
Des pales transformées en bancs publics à Rotterdam, aux Pays-Bas.
Des éoliennes utilisées comme plaine de jeux, à Rotterdam.
Un recyclage quasi complet
Lorsqu’une réutilisation n’est pas possible, les composants de l’éolienne peuvent être valorisés dans les filières de recyclage existantes. Les développeurs éoliens y trouvent généralement un intérêt financier car cette opération est rentable.
Notons que la majorité des composants d’une éolienne sont recyclables : cuivre, fer, acier, aluminium, plastique, zinc, béton représentent 98% du poids des matériaux d’une éolienne.
Le démontage de parcs éoliens devrait générer au total 3,7 millions de tonnes de déchets de démolition d’ici 2030 (à titre de comparaison, les ménages et les activités économiques génèrent chaque année 2,5 milliards de tonnes de déchets en Europe).
Or ces déchets de démolition – une fois broyés et agrégés – sont une ressource de haute valeur sur un marché de ré-utilisation, notamment comme matériau pour la construction de route et de drainages.
Pourtant, en moyenne, seul un tiers de ces déchets (issus des secteurs non-éolien) sont actuellement ré-utilisés et recyclés. Wind Europe plaide pour un plus grand taux de recyclage à travers une certification.
La filière éolienne pourrait ainsi tirer vers le haut d’autres secteurs industriels moins soucieux du recyclage.
Seuls les matériaux composites, tels que la fibre de verre ou de carbone, sont difficilement recyclables. Utilisés dans les pales d’éoliennes, ils sont broyés, parfois enfouis ou valorisés comme combustible dans les cimenteries (en remplacement des combustibles fossiles).
Mais le secteur a récemment développé un procédé qui permet un recyclage complet des pales (y compris la fibre de verre). Celles-ci sont broyées et mélangés à d’autres matériaux pour former une nouvelle matière malléable, baptisée Ecopolycrete, qui peut être utilisée pour réaliser de nouveaux produits, comme des plaques d’égout ou des panneaux pour le bâtiment.
Par ailleurs, une coalition d’industriels et d’instituts de recherche danois, pilotée par Vestas, développe une solution innovante pour recycler les composites thermodurcissables qui recouvrent les fibres de verre et de carbone (lire ce communiqué). Le procédé devrait être commercialisé en 2024. Les éoliennes deviendraient ainsi intégralement recyclables.
La question des « terres rares »
Les « terres rares » sont des métaux utilisés pour de nombreuses applications : pots catalytiques automobiles, smartphones et tablettes, téléviseurs LCD, ordinateurs, … mais aussi dans les aimants permanents de certaines génératrices d’éoliennes.
Bien que réutilisables et recyclables, ces métaux posent des questions éthiques et environnementales.
En effet, dans la plupart des pays concernés (Chine, Russie, …), les techniques d’extraction et de purification des « terres rares » sont polluantes pour le sol et l’eau, ainsi que pour la santé humaine.
Pour améliorer la durabilité de leur activité, les secteurs économiques concernés devraient donc mettre en œuvre des process ou des composants sans « terres rares ». Or, le secteur éolien montre actuellement l’exemple.
La raison est pragmatique : la flambée des prix des « terres rares » en 2011 a encouragé les producteurs éoliens à se tourner vers des alternatives, pour stabiliser le risque prix par rapport à cette ressource.
Les chercheurs ont ainsi mis au point des process qui diminuent fortement voire supprime totalement l’usage de « terres rares ».
Tandis que l’entreprise anglaise GreenSpur Renewables a développé la première génératrice synchrone à aimants permanents avec de la ferrite, en substitution aux « terres rares » (illustration ci-dessous).
Pour en savoir plus, lire notre article L’énergie durable se développera sans « terres rares ».
Maîtriser les ressources
Comme toute industrie en expansion, l’éolien pose la question des besoins en matières premières : y aura-t-il assez de matériaux sur Terre pour fabriquer des milliers d’éoliennes dans le cadre d’une transition énergétique 100% renouvelables ?
Bernard Multon, chercheur au laboratoire SATIE-CNRS, a récemment analysé cette question. Selon son analyse, une croissance mondiale de l’éolien, même intensive, aura peu d’impacts sur les besoins en matériaux (béton, acier, fer, aluminium, cuivre). Seule exception : la fibre de verre (lire notre article Le développement éolien consommera peu de matières premières).
Il s’agira cependant d’intégrer les futurs déchets dans les circuits de l’économie circulaire.