Les Pays-Bas ont lancé leur projet pilote, tandis que la Belgique prépare le sien. Cette technologie innovante offre des avantages, mais aussi des défis à relever.
L’entreprise néerlandaise Oceans of Energy a inauguré en novembre dernier une centrale photovoltaïque flottante en Mer du Nord, baptisée « Solaire en mer » et qualifiée de « première mondiale » (photo ci-dessous). Ce projet pilote d’une capacité initiale de 8,5 kWc sera étendu à 50 kWc dans les prochains mois et sera opérationnel durant une période test d’un an.
Ce projet regroupe 6 entreprises et organismes de recherche néerlandais, qui testeront cette technologie innovante.
Le photovoltaïque flottant se développe actuellement partout dans le monde, grâce notamment à la baisse continue des coûts. Les projets jaillissent principalement sur des réserves d’eau douce à l’intérieur des terres (lacs, bassins d’irrigation, réservoirs de traitement d’eau, barrages, …). En Belgique, une première ferme solaire a ainsi vu le jour en 2017 sur un bassin industriel en Hesbaye (lire notre article Première centrale photovoltaïque flottante en Belgique).
Par contre, l’aventure en mer est plus récente et offre de nouvelles perspectives.
Quatre avantages
Le photovoltaïque flottant offre 4 principaux avantages :
- Il permet de valoriser des surfaces d’eau inexploitées (sur terre ou en mer) et peut ainsi éviter une éventuelle compétition pour l’occupation des sols.
- Les grands plans d’eau bénéficient d’un ensoleillement maximal et d’un environnement bien dégagé (pas d’ombrage).
- La fraîcheur de l’eau permet d’éviter la surchauffe de l’installation photovoltaïque. Celle-ci offre dès lors un rendement de 15 à 20% plus élevé.
- En mer, il peut se développer au sein des parcs éoliens offshore. Ces surfaces, déjà dédiées à la production d’énergie, pourraient, grâce au solaire, produire 5 fois plus d’électricité.
La question de l’usage des sols est particulièrement sensible dans les régions densément peuplées comme les Pays-Bas et la Belgique, où l’espace disponible est limité. Un projet de centrale photovoltaïque au sol peut donc parfois entrer en conflit avec d’autres usages : habitat, exploitation agricole ou forestière, industrie, loisirs, … Et même susciter une opposition des riverains.
La filière trouve cependant de nouvelles solutions pour s’intégrer sans empiéter sur les autres usages du sol. C’est le cas des structures photovoltaïques en hauteur qui surplombent des champs agricoles ou des parkings (lire nos articles Agriculture et photovoltaïque peuvent utiliser une même surface et PAIRI DAIZA construit le plus grand parking photovoltaïque au monde).
Toujours est-il que, si la filière photovoltaïque se développe sur l’eau, la terre peut donc rester libre pour d’autres utilisations.
Le photovoltaïque flottant s’est d’abord développé en eaux douces sur des barrages et des lacs (photo ci-dessus) puis dans des lagunes ou tout autre environnement abrité où il peut résister à des vagues de taille modérée. Il prend désormais la haute mer et peut résister aux tempêtes.
La Mer du Nord, nouvel eldorado
C’est le postulat du projet néerlandais « Solaire en mer ». Selon une étude menée par Oceans of Energy, il ne serait d’ailleurs pas possible de couvrir toute la demande d’énergie des Pays-Bas par des sources 100% renouvelables, en raison du manque d’espace sur terre. Dans le meilleur scénario, le photovoltaïque et l’éolien sur terre, combinés à l’éolien offshore, ne pourraient couvrir que la moitié de cette demande d’énergie. C’est pourquoi, affirment les développeurs de ce projet pilote, le solaire en mer s’avère nécessaire car il peut, à lui seul, couvrir l’autre moitié de la demande d’énergie des Pays-Bas, en utilisant moins de 5% du territoire maritime néerlandais en Mer du Nord.
Or ces 5% peuvent être trouvés dans le cadre des parcs éoliens offshore déjà opérationnels ou planifiés au large des côtes néerlandaises, au sein des concessions déjà dédiées à la production d’énergie et interdites à la navigation commerciale.
Combiner éolien et solaire offshore
Le dynamisme et la croissance de l’éolien offshore en Mer du Nord, exceptionnels au niveau mondial, pourraient ainsi servir à l’émergence du photovoltaïque flottant. Selon Oceans of Energy, si des modules solaires flottants sont disposés entre les turbines éoliennes, 5 fois plus d’électricité pourrait être produite sur la même surface.
La fourniture d’énergie peut également s’avérer plus stable et plus continue au cours de l’année, grâce à la complémentarité de ces deux sources d’énergies, l’hiver étant plus venteux et l’été plus ensoleillé.
De plus, des synergies sont possibles entre ces deux filières : les travaux de développement, de maintenance et de connexion au réseau électrique peuvent être mutualisés (photo ci-dessous).
Relever des défis
Dans l’immédiat, le projet « Solaire en mer » s’inscrit dans un programme de Recherche & Développement et devra donc relever plusieurs défis, avant d’envisager un véritable essor du photovoltaïque en mer.
Grâce aux projets développés sur des réserves d’eau douce, cette technologie commence à être mieux maîtrisée, comme en témoigne le récent « Guide du photovoltaïque flottant à l’intention des développeurs », publié par la Banque mondiale et l’Institut de recherche en énergie solaire de Singapour (lire cet article de PV Magazine).
Selon les auteurs, les principaux risques sont liés à la saleté, tels que les fientes d’oiseaux, et la dégradation plus rapide des composants électriques. « Le milieu aquatique impose des exigences plus strictes en matière de sécurité électrique », précisent-ils.
Par contre, le développement en haute mer est encore peu connu, notamment en ce qui concerne la maîtrise de la houle et surtout les effets du sel marin sur les panneaux, qui pourraient occasionner des dégâts constants et nécessiter d’importants coûts de maintenance.
Les impacts sur la faune et la flore devront également être étudiés, mais pourraient avoir un effet positif pour l’écosystème. Mais dans ce domaine, le développement éolien offshore a déjà démontré un faible impact (lire notre article Les parcs éoliens en mer du Nord perturbent peu l’écosystème).
Montée en puissance
Allard van Hoeken, CEO de Oceans of Energy, se montre confiant envers ce projet pilote. « La première étape a été réalisée, les plateformes flottent dans la Mer du Nord et ont déjà survécu à plusieurs fortes tempêtes », explique-t-il. « Notre objectif est d’étendre à 1 MW, le système modulaire étant conçu de sorte que nous puissions augmenter l’installation jusqu’à 100 MW et même plus. Avec ce premier système solaire offshore opérationnel dans l’une des mers les plus tempétueuses au monde, nous nous attendons à créer un large impact positif dans le monde. Actuellement, nous avançons vers l’étape suivante : la montée en puissance. Nous sommes en train de lever les investissements nécessaires », conclut-il.
A terme, l’entreprise s’attend à atteindre un coût de production similaire à l’éolien offshore.
En Belgique aussi
La Belgique aussi envisage un projet de centrale solaire flottante en Mer du Nord.
Un consortium d’entreprises, réunissant Tractebel (service d’ingénierie), DEME (spécialiste des installations en mer), le groupe Jan de Nul (dragage), Soltech (fabricant solaire) et l’Université de Gand, a en effet initié une étude de faisabilité. Selon les conclusions de cette étude, un projet pilote belge pourrait voir le jour à proximité d’un parc éolien offshore.
Les partenaires expliquent leur motivation dans un communiqué :
« Avec la baisse continue des coûts du photovoltaïque, l’évolution vers les applications offshore en haute mer est la suite logique du développement du photovoltaïque (…). Différents facteurs comme la pénurie des terres, la standardisation à grande échelle et l’impact du phénomène ‘nimby’ (Not in My BackYard) sont à l’origine de la croissance du marché de l’énergie solaire en pleine mer, comme ce fut le cas auparavant pour l’énergie éolienne. Cette expansion peut plus généralement être vue comme une étape vers l’énergie bleue à l’origine d’innovations comme les villes sur l’eau, les pôles énergétiques en pleine mer etc. »
Potentiel mondial
Selon l’étude publiée en juin 2019 par SERIS, il y avait environ 1,3 GW de capacité photovoltaïque flottante installée dans le monde fin 2018. Un scénario volontaire prévoit une capacité de production potentielle de 4.044 GW si 10 % des emplacements disponibles dans le monde hébergeaient de l’énergie solaire flottante.