La course actuelle au développement de bornes de recharge rapide est un paravent qui cache la réelle révolution possible de la mobilité individuelle. Et cette révolution devrait se baser sur un réseau de recharge lente, disponible partout.
Qu’on se le dise d’emblée, une évolution durable de la mobilité n’est envisageable que dans une stratégie de type “Avoid – Shift – Improved” telle que présentée par le Service Public de Wallonie en mars 2018 lors de la présentation de sa proposition de plan Air-Climat-Energie (lire notre article Une mobilité wallonne plus durable d’ici 2030). Une réduction importante du volume de transport (tous moyens de transport confondus) est donc un prérequis à nos développements suivants.
Ceci étant dit, nombreux sont les acteurs de la mobilité électrique qui poussent au développement d’un réseau de bornes de recharges (de plus en plus) rapides afin de suivre le scénario d’un parc automobile 100% électrique d’ici 2050.
Simpliste !
De manière générale, la course actuelle aux bornes de recharge rapide laisse croire que l’on peut simplement transposer le modèle actuel – faire le plein à la station essence – vers le modèle électrique.
Ce raisonnement oublie de se poser la question de :
- la nature de l’énergie sollicitée par les véhicules et son origine
- le rôle d’un lieu de recharge.
Le photovoltaïque change la donne
Les carburants fossiles sont des éléments rares géographiquement. Pour rappel, ils sont importés de (très) loin et, après de nombreux process de purification, nous sont distribués, au compte-goutte, via des stations-services. Cette énergie est tellement rare que nous avons fait des réservoirs de plus en plus grands dans nos voitures pour pouvoir limiter le nombre de ces stations.
En matière de véhicules électriques, nous devons nous tourner vers les énergies renouvelables comme sources.
Si elles possèdent des limites – il n’y a pas de soleil la nuit et peu de lumière en hiver, parfois pas de vent, etc.. -, ces limites nous rappellent que nous devons d’abord diminuer notre consommation de transport (« Avoid » précédemment cité). Ces sources d’énergie sont cependant disponibles sur chaque centimètre carré de nos territoires ou, au minimum, sur chaque toiture – surface idéale pour le photovoltaïque.
Et ça, c’est plutôt commode car les voitures, qui en moyenne font moins de 50 km par jour, passent en moyenne 22h par jour à proximité d’un bâtiment … et donc d’une toiture. La maturité économique de la technologie solaire photovoltaïque fait le reste en nous permettant d’équiper ces toitures (bureaux, magasins, maisons, parkings publics, …), sans réserve.
Qui plus est, nous voyons apparaître des véhicules qui sont eux-mêmes couverts de panneaux solaires. Renouvelle a eu l’occasion d’en tester un pour vous voici un an. Ce type de véhicule autoproduit chaque jour de quoi parcourir, en moyenne, 5 km en hiver et 30 km en été (lire notre article Nous avons testé la Sion, une voiture électrique connectée au soleil).
Nous disposons donc d’une source d’énergie (propre et locale), fréquemment à proximité du véhicule : il n’y a plus qu’à mettre une prise !
Abondance de prises
Contrairement à l’essence qu’il faut aller chercher à une station, l’électricité est disponible à domicile et dans tous les bâtiments, bref partout.
Avec la puissance d’une prise domestique (~= 3 kW), vous permettez à un véhicule électrique efficace (pas un SUV) de parcourir 100 km s’il est préalablement resté branché pendant 5h.
Et comme nos véhicules passent leur temps à côté de bâtiments qui ont, tous, des prises électriques de ce type, pas besoin d’une puissance importante pour notre alimentation de mobilité.
Prises communicantes
A défaut de devoir être rapides, ces prises doivent, par contre, être communicantes afin de pouvoir gérer les fonctionnalités que l’on attend d’elles :
- Gérer la puissance de charge en fonction de l’énergie renouvelable disponible (solaire, mais aussi éolien et hydroénergie) et des besoins de l’utilisateur,
- Permettre une facturation entre le fournisseur d’électricité et l’acheteur,
- Permettre aussi, à terme, de décharger un véhicule électrique en fonction des besoins (En tant que « batterie sur roues », le véhicule électrique joue un rôle supplémentaire à celui du transport : il permet également de servir de système de stockage d’électricité).
Le développement massif du photovoltaïque décentralisé, bientôt disponible partout, change la donne. A moyen terme, il sera possible de recharger sa voiture électrique en insérant une simple prise (communicante) sur un bâtiment équipé en photovoltaïque : au bureau, au magasin, à la maison, dans les parkings publics, …
Des raccordements communicants se développent déjà sur le terrain. A Londres, des automobilistes peuvent désormais utiliser des câbles de recharge intelligents pour se connecter à une prise de faible puissance et recharger leur véhicule. Avec cette solution légère et décentralisée, l’utilisateur peut choisir son fournisseur d’électricité et maîtriser sa facture (lire notre article Un câble de recharge intelligent, pour une mobilité électrique plus légère).
Et l’autonomie ?
Pas de panique. Rappelons qu’un utilisateur parcourt en moyenne 50 km par jour et que sa voiture passe toutes ses journées devant un bâtiment.
Cet élément nous permet d’aborder un effet collatéral bénéfique de ce réseau de recharge lente : il permet le développement d’un parc de véhicule à autonomie correspondant aux besoins. Pas besoin donc de véhicules de 500 km d’autonomie : l’énergie renouvelable est partout !
Ce qui permet à nos futurs véhicules d’avoir des batteries plus petites, donc plus légères, d’avoir une autonomie plus grande, de consommer moins d’énergie pour la fabrication et le recyclage et, finalement, d’être moins chers à l’achat. Une dynamique avantageuse dans le scénario d’un parc automobile individuel 100% électrique d’ici 2050.
Et le commercial toujours sur les routes ?
Là, nous parlons des métiers qui nécessitent de parcourir 300 km par jour en voiture. Pour eux, c’est clair : il faut une voiture avec une grande autonomie et des bornes de recharges rapide.
Mais ne nous trompons pas. Les déplacements « commerciaux » ne représentent qu’une minorité des déplacements en véhicules individuels.
Quant au transport de fret par camions, il trouvera sans doute plus de perspectives à travers le développement de l’hydrogène vert, carburant mieux adapté au transport de marchandises sur de longues distances, l’option électrique imposant actuellement d’équiper les camions de batteries gigantesques…