Les systèmes photovoltaïques existants en Wallonie seront-ils exonérés d'un tarif prosumer ? Ce n'est pas sûr, tant que le décret wallon n'est pas adopté. Tandis qu'une réglementation européenne pourrait encore changer la donne. En tout cas, nous sommes encore loin d’un modèle équitable et durable pour les consommateurs, les prosumers et les gestionnaires de réseaux.
Sur base d’un projet de décret, le Gouvernement wallon compte finalement exonérer les installations photovoltaïques existantes d’un tarif prosumer. Celui-ci ne serait appliqué qu’aux systèmes installés à partir du 1er juillet 2019. Il n’y aurait donc pas d’effet rétroactif pour les 150.000 ménages déjà équipés en photovoltaïque, comme l’explique cet article de L’Echo.
C’est donc un rebondissement dans cette saga. De nombreux prosumers craignaient en effet qu’un tel tarif n’affecte la rentabilité de leur investissement solaire et s’opposaient de longue date à ce projet tarifaire rétroactif.
Cette demi-mesure crée cependant deux régimes différents pour les prosumers, avec ou sans tarif, ce qui ne représente pas en soi un modèle durable.
Mais nous vous invitons de toutes façons à la plus grande prudence dans ce dossier : ce décret wallon ne sera peut-être pas adopté avant les élections de mai 2019, une réglementation européenne pourra encore malgré tout imposer un tarif prosumer à l’ensemble des prosumers, tandis que l’arrivée prochaine des compteurs communiquants en Wallonie permettra techniquement de mesurer – et donc tarifer – les flux réels de consommation d’électricité prélevée du réseau. Bref, à l’heure d’aujourd’hui, le choix d’installer du photovoltaïque avant juillet 2019 ne devrait pas reposer uniquement sur l’exonération possible du tarif réseau car cette mesure n’est pas encore acquise et le contexte réglementaire peut encore changer dans les prochaines années.
S’équiper de panneaux photovoltaïques reste une démarche intéressante et plus rentable qu’un compte épargne mais les prosumers sont invités à booster leur autonomie solaire afin de garder une bonne rentabilité économique (lire notre article Le photovoltaïque wallon, rentable sans prime).
Une contribution équitable
Dans l’immédiat, la CWaPE, régulateur du marché wallon de l’énergie et initiateur de ce tarif prosumer, a réagi à cette annonce par un communiqué de presse qui rappelle ces éléments importants du débat :
« A ce stade, l’introduction d’un tarif prosumer, telle qu’actuellement prévue au 1er janvier 2020, vise à faire contribuer de manière équitable l’ensemble des utilisateurs du réseau de distribution d’électricité aux coûts de celui-ci. Le tarif prosumer n’est donc pas une taxe.
Contrairement aux autres utilisateurs du réseau, actuellement, les prosumers ne contribuent pas au financement du réseau à hauteur de l’utilisation qu’ils en font. En effet, bien qu’ils disposent d’une installation de production d’électricité, les prosumers utilisent le réseau lorsqu’ils consomment de l’électricité à un moment où leur installation ne produit pas ou pas assez d’énergie.
Dans ce cas, il y a désynchronisation entre la production et la consommation. Le prosumer peut injecter gratuitement son énergie dans le réseau (il n’y a pas de tarif d’injection dans son cas). Le tarif prosumer repose sur l’idée qu’il est équitable que le prosumer participe aux frais du réseau lorsqu’il prélève de l’énergie qu’il n’a pas produite lui-même au même instant.
(…) Ce tarif permettrait de faire baisser significativement, dès 2020, les coûts de distribution des autres utilisateurs de réseau en Région wallonne, à savoir ceux qui ne disposent pas de petites installations de production d’électricité.
L’absence de cette contribution des prosumers ne constituerait pas un manque à gagner pour les gestionnaires de réseaux, mais une augmentation du coût pour ces autres utilisateurs qui supportent seuls les charges du réseau. »
En effet, l’enjeu consiste à trouver un équilibre entre les contributions des différents profils (consommateurs particuliers ou entreprises, prosumers, …) pour assurer un financement équitable de ce service réseau.
Du point de vue des gestionnaires de réseau, la non-contribution actuelle des 150.000 prosumers représente de 50 à 60 millions € de recettes tarifaires en moins chaque année. Or une juste contribution de leur part permettrait de réduire les coûts de distribution des autres utilisateurs de 6 à 12%, selon le lieu où ils habitent.
Comment dès lors assurer un financement juste et équitable du réseau électrique en Belgique ?
Sachant que, de leur côté, les consommateurs directement raccordés à la haute tension (grandes entreprises électro-intensives) ne payent pas pour les réseaux de moyenne et basse tension.
Le prosumer, un acteur positif pour la collectivité
Renouvelle l’écrivait déjà en 2016 : il serait absurde d’appliquer à tous les prosumers une taxe forfaitaire et aveugle; alors qu’une contribution sur base des consommations réelles offre au contraire plusieurs avantages pour la collectivité (lire notre article Pourquoi une taxe sur l’injection d’électricité photovoltaïque est une (très) mauvaise idée).
Or un tarif basé sur les flux réellement mesurés de prélèvement d’électricité sur le réseau, en plus d’être le même système pour tout le monde (producteurs photovoltaïques ou non), induit deux effets vertueux :
Cette option incite les prosumers à minimiser leurs consommations d’électricité en dehors des périodes d’ensoleillement, car, prélevée du réseau, elle coûte plus cher. Les prosumers ont donc un intérêt économique à faire des économies d’électricité aussi bien la nuit que la journée (car la journée peut être très sombre). Les bons gestes sont connus : LED, appareils aux meilleurs labels énergétiques, éteindre en quittant une pièce, chasse aux appareils en veille, …
De plus, cette option incite les prosumers à déplacer des consommations en journée, ce qui est possible pour lave-linge, lave-vaisselle ou séchoir de manière plus ou moins assistée, avec de la programmation. Le déplacement de la production d’eau chaude sanitaire, que ce soit avec une pompe à chaleur ou un boiler électrique, est également très facile à faire.
Une contribution sur le prélèvement inciterait les prosumers à programmer leurs électroménagers en journée, quand leurs installations photovoltaïques produisent, réduisant ainsi les pics de production solaire sur le réseau.
Une contribution sur le prélèvement valorise ainsi le prosumer en tant qu’acteur vertueux d’un réseau durable. Elle induit un comportement qui, parfois à l’inverse du modèle actuel, permet de renforcer le réseau et de limiter la probabilité de black-out. De plus, en effectuant une grande partie de la gestion de l’énergie au point le plus proche de la production, via un circuit le plus court possible, le prosumer permet de diminuer les pertes en ligne du réseau et donc de réduire les frais du réseau.
Enfin, avec une mesure sur le flux de prélèvement plutôt qu’une taxe a priori sur la puissance installée, le législateur garde la même logique pour tous les utilisateurs domestiques du réseau, qu’ils soient producteurs photovoltaïques ou pas.
La logique adoptée par le projet de tarif prosumer inclut cette possibilité, ce qui est une bonne chose. Néanmoins, pour qu’elle se mette en place, il est nécessaire de s’équiper d’un compteur communiquant. Ceux-ci devrait arriver prochainement en Wallonie (lire notre article Le tarif prosumer wallon sera-t-il postposé ?).
L’auto-consommation collective : l’autonomie, ça se partage !
A plus long terme, il serait pertinent de définir des règles du jeu identiques pour tous les prosumers.
Or il existe un modèle contributif permettant d’intégrer les prosumers actuels et futurs et de trouver un financement équitable du réseau : l’autoconsommation collective, dont nous espérons l’application rapide en Wallonie (lire notre article La Wallonie avance sur l’autoconsommation collective).