Communauté d’énergie et cohésion sociale : ”Nous avons mené un travail de terrain pour inclure les locataires”

Dans la commune de Ans, la Société de Logements du Plateau participe au développement d’un projet-pilote d’énergie partagée avec ses locataires. Un exemple inspirant de transition énergétique inclusive en Wallonie. Interview.

A Verviers, Ans et Chapelle-lez-Herlaimont, des laboratoires vivants vont permettre de dĂ©finir les bonnes pratiques pouvant conduire l’ensemble des collectivitĂ©s locales Ă  partager leur Ă©nergie et leur mobilitĂ©. 

En effet, ces trois communes ont Ă©tĂ© choisies pour participer au projet wallon SOCCER (« socio-Ă©conomie des communautĂ©s d’énergie renouvelable Â»). 

Il s’agit d’y expĂ©rimenter le concept de CommunautĂ© d’énergie renouvelable en faisant de la cohĂ©sion sociale un facteur de rĂ©ussite. 

Dans le contexte wallon, oĂą plus d’un mĂ©nage sur quatre se trouve en situation de prĂ©caritĂ© Ă©nergĂ©tique, une attention particulière doit ĂŞtre apportĂ©e pour permettre d’inclure l’ensemble des mĂ©nages et en particulier les mĂ©nages prĂ©carisĂ©s dans la transition Ă©nergĂ©tique (en savoir plus sur le projet SOCCER). 

A Ans, le projet consiste Ă  dĂ©velopper une CommunautĂ© d’énergie renouvelable incluant une sociĂ©tĂ© de logements sociaux. 

Une installation photovoltaĂŻque d’environ 1 MWc sera installĂ©e sur un bâtiment communal et alimentera, en partie, les 350 logements sociaux Ă  proximitĂ©. 

Renouvelle a interviewé Dr Ahmed Rassili (photo ci-dessous), Vice-Président de la Société de Logements du Plateau (SLP), pour avoir un premier retour de terrain.

Renouvelle : Quel est votre rĂ´le dans le dĂ©veloppement d’une communautĂ© d’énergie qui intègre des logements sociaux ? 

Ahmed Rassili (SLP) : Je suis vice-prĂ©sident de la sociĂ©tĂ© de logements, qui est partenaire du projet. Et pour dĂ©velopper une communautĂ© d’énergie, il faut bien sĂ»r impliquer les bĂ©nĂ©ficiaires et donc les locataires de la sociĂ©tĂ© de logements. Notre rĂ´le d’administrateur, en collaboration avec le prĂ©sident, le directeur-gĂ©rant ainsi que l’ensemble du personnel de la SLP, c’est de faciliter l’étude et les liens entre les partenaires et les locataires. Il serait difficile d’avoir accès aux locataires si la sociĂ©tĂ© de logements n’était pas partenaire, c’est une Ă©vidence.  

Quelle est selon vous la plus-value d’une CommunautĂ© d’énergie (CE) qui intègre des locataires sociaux ? 

Selon moi, dĂ©velopper une CommunautĂ© avec une sociĂ©tĂ© de logements, c’est intĂ©grer un quartier entier. On implique donc d’emblĂ©e tous les locataires. C’est une composante très intĂ©ressante pour dĂ©velopper une CommunautĂ©. 

Comment suscitez-vous la participation des mĂ©nages ?  

Si des personnes extĂ©rieures Ă©taient venus les voir pour leur parler de leur facture d’énergie, les locataires auraient Ă©tĂ© frileux. La direction a donc envoyĂ© un courrier explicatif Ă  tous les locataires. Nous avons aussi fait du porte-Ă -porte et distribuĂ© un folder. Nous les avons ensuite invitĂ©s Ă  une sĂ©ance d’information pour qu’ils puissent poser leurs questions ainsi qu’à des sĂ©ances individuelles et ciblĂ©es. Car les gens sont parfois anxieux ou inquiets quand on leur parle de changement et ils peuvent se montrer conservateurs. Du coup, on a tout fait pour que l’idĂ©e d’une CommunautĂ© d’énergie passe très bien dans leur tĂŞte. 

Comment l’arrivĂ©e d’une CE change-t-elle les relations de communication et de prise de dĂ©cision avec les bĂ©nĂ©ficiaires des logements sociaux ? 

En tant que propriĂ©taire, la sociĂ©tĂ© de logements pouvait facilement dire “C’est mon bâtiment, nous allons l’équiper de panneaux photovoltaĂŻques et crĂ©er une CommunautĂ© d’énergie”. Mais il faut faire adhĂ©rer les gens. Une communication doit donc s’établir pour montrer aux gens qu’ils peuvent en tirer des bĂ©nĂ©fices : leur facture Ă©nergĂ©tique va diminuer et non seulement, ils participeront par cela Ă  un effort commun de gestion de la consommation Ă©nergĂ©tique. 

Quels sont les autres avantages attendus de la CommunautĂ© d’énergie pour les locataires de la SLP? 

Les gens ici disposent d’un compteur de nuit et ils ont donc l’habitude de consommer le soir. Avec une production d’électricitĂ© solaire, il vaut mieux, au contraire, consommer le jour, moment du pic de production d’électricitĂ© photovoltaĂŻque. Ils vont donc devoir changer leurs comportements et lancer par exemple leur lave-vaisselle ou machine Ă  laver Ă  midi. S’ils continuent Ă  consommer le soir, ça ne va rien changer Ă  leur facture car ils vont continuer Ă  consommer sur le rĂ©seau Ă©lectrique. Le principal impact de la CommunautĂ© sera donc sur leur portefeuille.  

Comment se compose ce public-cible ? 

Il s’agit principalement de locataires, oĂą l’on retrouve un peu de tout : des allocataires sociaux, des salariĂ©s, des pensionnĂ©s, … Il y a aussi des propriĂ©taires mais ils reprĂ©sentent environ 10% du parc de logements. 

Quelles sont les difficultĂ©s rencontrĂ©es jusqu’ici ? 

Quand on vient un peu bousculer les gens dans leurs habitudes, mĂŞme si c’est dans leur intĂ©rĂŞt, ils sont parfois rĂ©ticents. Du coup, nos partenaires actifs au niveau social ont dĂ©veloppĂ© une approche plus pĂ©dagogique, par exemple en s’appuyant sur des gens de terrain, telles l’association des locataires et les associations de rĂ©ciprocitĂ©. 

Dans le cas de Ans, quel est l’acteur qui va rĂ©aliser l’investissement photovoltaĂŻque initial ? 

C’est la commune de Ans qui rĂ©alise l’investissement sur son bâtiment. Et l’avantage de ce bâtiment, c’est qu’il n’y a que la route qui le sĂ©pare de la sociĂ©tĂ© de logements. En plus, il dispose d’un toit aussi grand qu’un terrain de foot. Il peut donc accueillir une installation photovoltaĂŻque qui va couvrir les besoins Ă©lectriques du bâtiment en soi – ce qui est une prioritĂ© – et le surplus servira aux habitants de la sociĂ©tĂ© de logements. Il y a aussi des PME Ă  proximitĂ©. Elles consomment en journĂ©e, ce qui est très intĂ©ressant. On pourra avoir une CommunautĂ© qui englobe des bâtiments publics, une sociĂ©tĂ© de logements, des PME, … 

De quel type de bâtiment s’agit-il ? 

C’est un dĂ©pĂ´t de la commune dĂ©diĂ© aux services “Travaux et Maintenance”. On y trouve des bureaux mais aussi des ateliers ainsi que des camionnettes communales, des camions-poubelles, …  

On envisagera peut-ĂŞtre aussi d’y faire du stockage d’électricitĂ©, selon les profils de consommation de la CommunautĂ©. A un moment donnĂ©, il deviendra plus cher d’injecter l’électricitĂ© dans le rĂ©seau plutĂ´t que la stocker pour pouvoir s’en servir d’autres moments oĂą la production est basse. Et le soir, ce stockage pourra servir aux habitants.  Bien sĂ»r, le coĂ»t est plus important car on doit stocker puis dĂ©stocker l’électricitĂ©. Mais on peut trouver un Ă©quilibre oĂą cela devient bĂ©nĂ©fique pour tout le monde. 

Nous avons également un scénario où nous pouvons ajouter des installations photovoltaïques supplémentaires sur les toits de certains logements. L’étude SOCCER en cours nous guidera vers le meilleur scénario.

Je tiens vraiment à saluer l’implication et les efforts de la commune d’Ans, parrain du projet, en la personne de son premier échevin, Walther Herben.

Combien de consommateurs y aura-t-il au dĂ©marrage du projet ? 

Il y a d’abord le bâtiment communal car il y a quand mĂŞme pas mal de gens dans les bureaux et c’est un consommateur important d’électricitĂ©. Puis, on verra combien de personnes voudront adhĂ©rer Ă  la CommunautĂ©. Il y a moyen d’englober tous les locataires car, une fois que les gens verront l’impact sur leur facture, avec une diminution importante, ils vont commencer Ă  en parler avec leurs voisins et motiver les autres. Notre rĂ´le, c’est de faire adhĂ©rer la majoritĂ© des locataires, sinon la totalitĂ©. 

Quelles sont les prochaines Ă©tapes ? 

LĂ , on arrive tout doucement Ă  mi-termes du projet SOCCER. On va rendre les conclusions de l’étude pour Ă©valuer les prochaines Ă©tapes. On dĂ©cidera d’un “go / no-go Â» en juin 2022. 

Vous avez Ă©galement un volet de mobilitĂ© partagĂ©e, non ? 

Oui tout Ă  fait. Il s’agira bien sĂ»r de voitures Ă©lectriques, qui permettront aux habitants de se dĂ©placer. 

Elles serviront aussi de stockage d’électricitĂ© solaire ? 

Ça dĂ©pend car il faut une flotte importante de vĂ©hicules pour faire un stockage suffisant. Ici on parle de quelques voitures ; de plus elles seront utilisĂ©es en journĂ©e ce qui ne permettra peut-ĂŞtre pas aux batteries d’assurer le stockage du pic d’électricitĂ© de la mi-journĂ©e 

Quels conseils donneriez-vous pour reproduire votre modèle ailleurs en Wallonie ? 

Pour un modèle comme ça, je pense qu’il faut combiner diffĂ©rents profils de consommation et pas uniquement domestique et que chacun en tire un bĂ©nĂ©fice. Il faut arriver Ă  consommer au maximum l’électricitĂ© produite au niveau local. Ce modèle ne se limite pas Ă  du photovoltaĂŻque. Cela peut aussi ĂŞtre de la biomasse, de l’éolien, …  

J’aimerai à la fin remercier l’ensemble des partenaires et parrains du projet SOCCER, sans leur adhésion et leur enthousiasme, le projet n’aurait pas eu de succès.