La lignine serait-elle l'une des solutions pour réduire notre dépendance internationales aux composantes de batteries de stockage.
Des batteries en bois, ou plutôt en Lignine (un des trois composants principaux du bois, avec la cellulose et les hémicellulose), un rêve pas encore tout à fait à notre portée, mais qui devient cependant, pour partie, réalité.
Avec la construction d’un monde qui utilise beaucoup moins d’énergie, grâce à l’efficacité et à la sobriété, et dont les proportions d’électricité renouvelables grandissent, le besoin de stockage grandit également.
Ce qui fonctionne : une entreprise finlandaise !
Storaenso a entreprit de valoriser la lignine en « Lignode ». Cette molécule est bien présente dans les plantes classées dans les ligneuses[1]. (Dans les bois dits durs (les feuillus) on retrouve entre 14 et 34% de lignine et entre 21 et 37% dans les bois dits tendres (les résineux).)
L’entreprise finlandaise Store Enso, à la base spécialiste de la pâte à papier, a développé des anodes (le pôle négatif des deux électrodes d’une batterie) en graphite à base de lignine en lieux et place du graphite basé sur la pyrolyse d’hydrocarbures.
Si certains restent sceptiques, Storaenso explore maintenant des pistes de partenariats stratégiques pour accélérer son industrialisation et se développer en Europe d’ici 2025.
30% de bois dans les batteries
L’anode représente environ 30% du poids d’une batterie classique LI-Ion.
Au-delà d’une performance augmentée en vitesse de charge pour les batteries qui la contiennent, à savoir une charge de 40 à 50 minutes qui serait réduite à 8 minutes grâce à une structure de carbone amorphe (irrégulière), l’intérêt principal de ces anodes réside dans l’usage d’un matériau renouvelable dont la fin de vie est gérée par les lombrics du compost.
De plus, les processus de fabrication sont nettement moins énergivores que leur homologue fossile (qui nécessite de maintenir une température de 3000°C pendant des semaines). Pour produire une cathode à base de lignine, les températures sont plus basses (même si le processus de fabrication reste secret à ce jour) et en tant que sous-produit, elle valorise des dépenses énergétiques déjà existantes.
Renouvelable ne veut pas dire inépuisable !
De là à imaginer que les forets wallons deviennent pourvoyeuses de batteries de stockage il y a un pas que nous ne franchirons pas.
En moyenne[2], la biomasse (bois, paille) contient 25% de lignine. Dans un épicéa de 80 ans, on a environ[3] (450kg/m³ masse volumique, 80 cm de diamètre, 25 m haut = 4,3 m³) 2 tonnes de bois, soit 500 kg de lignine. Dans un hectare de paille (céréales) on retrouve 1,75 tonnes de lignine par hectare de paille.
Pour fabriquer une batterie qui stocke 70 kWh (ce qui représente une quantité d’énergie permettant à une voiture électrique de rouler entre 400 et 600 km en fonction du modèle), il faut 100 kg d’anode. Compte tenu des rendements de transformation, il serait théoriquement possible de fabriquer environ 10 batteries de véhicules électriques avec un épicéa de 60 ans et avec un peu plus d’un hectare de paille.
La Wallonie à la biomasse plus fine.
Parlant de fabrication d’anode en lignine, nous nous plaçons dans le domaine de la chimie «lourde », c’est-à-dire avec de grands volumes nécessaires et une faible valeur ajoutée.
Et les ressources de nos forêts sont déjà sollicitées, à plein, pour d’autres usages : papier, bois d’œuvre, panneaux de bois, énergie, isolation … qui ne laissent plus de place à une exploitation supplémentaire sous peine d’épuiser la ressource. En Wallonie, si la chimie du bois a un avenir, c’est plutôt dans la chimie dite « fine », orientée non pas autour de la lignine, mais de ce qu’on appelle les extractibles, soit des éléments présents en trace dans le bois (tanins, huiles sucres, résines, …), comme l’indique le rapport de 2018 de Valbiom[4] en la matière.
Et plus loin encore ?
La lignine fait l’objet de différentes recherches quant à de nouvelles valorisations, que l’on peut synthétiser en 3 axes qui, selon nous, semblent intéressants.
Batteries à flux redox organique : Dans les batteries à flux redox organique, la lignine pourrait être utilisée comme électrolyte non aqueux. Elle présente des propriétés intéressantes, telles que sa solubilité dans certains solvants organiques et sa stabilité chimique. La lignine pourrait donc servir à transporter les ions nécessaires à la réaction électrochimique dans la batterie.
Batteries lithium-ion : Comme exposé ci-plus haut, la lignine pourrait également être utilisée comme matériau dans les batteries lithium-ion. Elle serait convertie en un matériau carboné utilisable comme électrode négative (anode) dans de telles batteries.
Batteries sodium-ion : Les batteries sodium-ion sont une alternative potentielle aux batteries lithium-ion, car le sodium est plus abondant et moins coûteux que le lithium. Des recherches ont été menées pour développer des électrolytes à base de lignine spécifiquement pour les batteries sodium-ion. La lignine pourrait offrir des avantages en termes de stabilité chimique et de conductivité ionique. Ces différentes pistes de recherche montrent que la lignine présente un fort potentiel pour être utilisée comme électrolyte dans les batteries, ce qui permettrait d’augmenter la proportion de composants à base de bois et de favoriser une approche plus durable dans le domaine des technologies de stockage d’énergie. Cependant, il convient de noter que ces recherches sont encore en cours et que des défis techniques doivent être surmontés avant que la lignine puisse être pleinement utilisée dans les batteries à grande échelle. Et que les forêts ne sont pas, non plus, inépuisables.
[1] Chimie du bois : une filière d’avenir ? (Partie 1/2) | Valbiom – Valorisation de la biomasse
[2] https://orbi.uliege.be/bitstream/2268/182162/1/150331_ValBiom_Valorisation-de-la-lignine.pdf
[3] https://www.timberpolis.fr/calc-standing-tree-volume.php#goToPage
[4] Chimie du bois : une filière d’avenir ? (Partie 2/2) | Valbiom – Valorisation de la biomasse