L’agrivoltaïsme: un enjeu pour la transition énergétique en Wallonie

Face à une pression accrue sur ses terres agricoles et à des objectifs exigeants en matière d'énergie renouvelable, la Wallonie pourrait compter sur l'agrivoltaïsme comme une solution innovante.

L’agrivoltaïsme désigne la combinaison de la production agricole et de l’énergie solaire sur une même parcelle. Il permet de produire des cultures, d’élever des animaux tout en installant des panneaux photovoltaïques pour créer des synergies entre agriculture et énergie. Différentes configurations sont possibles selon les besoins locaux et le climat, comme les ombrières photovoltaïques, les panneaux verticaux ou les canopées surélevées.

État des lieux de l’agriculture et du photovoltaïque

L’agriculture est un pilier économique, social et environnemental. Son modèle écologique vise l’efficacité des ressources naturelles et la réduction des impacts négatifs sur l’environnement. Cependant, la pression sur les terres agricoles augmente avec une hausse des prix et une diminution de la surface agricole utilisée (SAU).

Les objectifs régionaux fixés dans le Plan Air Climat Énergie (PACE) visent 5100 GWh de production solaire annuelle d’ici 2030, mais le rythme actuel des installations est insuffisant. L’agrivoltaïsme pourrait couvrir 1 % de la SAU pour aider à atteindre cet objectif.

État des connaissances sur l’agrivoltaïsme

L’agrivoltaïsme prend plusieurs formes, allant de systèmes au sol à des panneaux montés sur pilotis, et peut s’adapter à différentes cultures (annuelles ou pérennes) ou types de productions (cultures, pâturage). Les impacts sur la productivité agricole dépendent de facteurs comme l’intensité de l’ombrage et la conception des installations, qui influencent directement les rendements des cultures.

Impact de l’ombrage sur les cultures et le pâturage

L’ombre générée par les panneaux peut affecter la photosynthèse, mais certains systèmes permettent de maintenir, voire d’améliorer, la production agricole. Des espèces comme les framboisiers et certaines herbacées peuvent tolérer l’ombrage, tandis que les panneaux peuvent offrir une protection contre les intempéries.

Le pâturage sous panneaux, principalement pour les moutons, montre des résultats positifs, avec une production de fourrage souvent améliorée sous les panneaux.

Conception technique

L’optimisation des paramètres techniques (hauteur, inclinaison, orientation des panneaux) est cruciale pour maximiser à la fois la productivité agricole et énergétique. Des outils de simulation comme le logiciel PASE 1.0 permettent de modéliser différents scénarios afin d’optimiser ces configurations.

Le Land Equivalent Ratio

Le Land Equivalent Ratio (LER) est utilisé pour mesurer l’efficacité des systèmes agrivoltaïques en combinant les rendements agricoles et énergétiques. Il permet de comparer les projets agrivoltaïques à une utilisation séparée des terres pour l’agriculture et l’énergie, et d’évaluer la viabilité économique et environnementale des projets.

Situation de l’agrivoltaïsme en Wallonie

L’agrivoltaïsme en Wallonie en est encore à ses balbutiements, bien que le potentiel de développement soit significatif. Actuellement, un seul projet agrivoltaïque majeur est en exploitation à Wierde, avec une capacité installée de 10 MWc sur une surface de 14 hectares. Ce projet combine des activités agricoles comme l’élevage de moutons et l’apiculture. Cependant, il suscite des débats en raison de l’absence d’un cadre réglementaire clair et d’un consensus autour de sa mise en œuvre. En outre, plusieurs petites installations sous forme de serres agrivoltaïques sont en place à Ath, Gembloux et Mons, avec un projet en construction à Chimay. Ces initiatives témoignent d’une volonté d’expérimentation, mais elles restent rares.

Un phénomène d’auto-censure semble également affecter le développement du secteur. Les acteurs, confrontés à des blocages administratifs et à une méfiance générale, hésitent à proposer de nouveaux projets. Pourtant, les contacts entre agriculteurs et développeurs révèlent l’existence de nombreuses autres opportunités viables. L’absence de cadre législatif et l’incertitude entourant ces projets freinent l’initiative et limitent les propositions soumises à approbation.

Afin de structurer le développement futur, trois scénarios distincts ont été élaborés pour identifier les zones propices à l’agrivoltaïsme. Ces scénarios varient en fonction de l’accessibilité et de la proximité avec les infrastructures existantes. Le premier scénario favorise les installations dans les zones artificialisées et urbaines, excluant les terres arables. Le deuxième, plus souple, permet des projets dans les zones semi-urbaines, tout en préservant les terres arables. Le troisième scénario inclut les terres à cultures mixtes, mais continue d’exclure les terres arables.

Enfin, la mise en place d’un cadre législatif plus clair et la création d’un observatoire pourraient répondre aux interrogations des parties prenantes et encourager un développement plus structuré et pérenne de l’agrivoltaïsme en Wallonie.

Les recommandations d’acteurs

Le livre-blanc sur l’agrivoltaïsme en Wallonie, confectionné par divers acteurs, formule les recommandations suivantes.

  • Il est proposé de limiter l’agrivoltaïsme à une proportion minoritaire dans le développement photovoltaïque global, privilégiant d’abord les surfaces non agricoles. Un quota pourrait être fixé, par exemple, en limitant la puissance agrivoltaïque à 30 % de celle installée sur les toits.
  • L’installation de panneaux solaires devrait être précédée par une mise en place de photovoltaïque pour l’autoconsommation.
  • Quatre conditions devraient constituer un préalable à tout projet agrivoltaïque : la conduite d’études sur l’impact agricole et foncier, la clarification des termes réglementaires, la création d’un comité consultatif et des formations spécifiques pour les promoteurs d’énergie.

Les syndicats agricoles insistent sur l’importance de respecter ces étapes avant de lancer des projets pilotes, pour s’assurer que l’agrivoltaïsme ne démarre pas avant 2030. D’autres mesures incluent la création d’un observatoire indépendant pour évaluer les projets et un encadrement contractuel garantissant la protection des agriculteurs.

Enfin, le secteur des énergies renouvelables recommande de valoriser localement l’énergie produite, de définir des seuils d’impact acceptable sur la productivité agricole et d’encourager l’installation de centrales photovoltaïques au sol, tout en encadrant leur développement.

Une synergie précieuse pour un avenir durable

L’agrivoltaïsme représente une opportunité précieuse pour concilier la production agricole et l’énergie solaire, répondant ainsi à des enjeux environnementaux et sociaux cruciaux. Alors que la Wallonie fait face à une pression croissante sur ses terres agricoles et doit atteindre des objectifs ambitieux en matière de production d’énergie renouvelable, l’agrivoltaïsme offre une solution innovante.

Ce modèle permet non seulement d’accroître la production d’énergie solaire, mais aussi d’enrichir la biodiversité et de maintenir des pratiques agricoles durables. Les systèmes agrivoltaïques peuvent améliorer les rendements en fournissant une ombre bénéfique aux cultures, tout en protégeant les animaux du soleil et des intempéries.

Il est évident que la lutte pour l’usage des terres est un enjeu social et économique considérable. À ce titre, placer des systèmes agrivoltaïques près des champs d’éoliennes permettrait de mutualiser les connexions au réseau électrique, minimisant ainsi l’usage des ressources et les coûts financiers. Les éoliennes et les panneaux solaires, souvent complémentaires dans leur production, renforcent l’efficacité du système.

Cependant, pour libérer le potentiel de l’agrivoltaïsme, un cadre réglementaire clair est essentiel. La création d’un observatoire pour évaluer l’impact des projets et la définition de quotas pour garantir une utilisation équilibrée des terres sont indispensables. En impliquant les agriculteurs et les développeurs dès le début, nous pourrons surmonter les freins administratifs et maximiser les bénéfices pour les communautés locales.

En conclusion, l’agrivoltaïsme doit être intégré dans notre stratégie de développement durable, visant à préserver l’intégrité de nos terres tout en répondant à nos besoins énergétiques croissants.