Nous avons besoin de « voitures raisonnables »

Dans un contexte de relance économique, la Fédération Inter-Environnement Wallonie lance un Appel pour mieux orienter le marché automobile. Pour déployer une mobilité durable, notre société a besoin de véhicules plus légers, moins puissants, moins rapides et à motorisation électrique, alimentée par des sources renouvelables. 

Dans un contexte de crise liée au coronavirus, les gouvernements belges et européens planchent sur des Plans de redéploiement économique. 

Ce moment historique nous appelle à remettre en question certains modèles non soutenables, tel que le secteur automobile actuel. 

La Fédération Inter-Environnement Wallonie et Parents d’Enfants Victimes de la Route, soutenue par de nombreuses autres associations, lancent ainsi un Appel aux responsables politiques et administratifs pour orienter le marché automobile vers des « voitures raisonnables » (consultez ci-après cet Appel en version courte ou longue). 

 

Impact sur le climat et sur la santé

 

Rappelons que le transport routier actuel – majoritairement fossile – impacte non seulement le climat (25% des émissions de CO2 de la Belgique) mais aussi la santé des citoyens belges : en 2016, 7.600 décès étaient imputables à la pollution par les particules fines et 1.600 à la pollution par le dioxyde d’azote ; auxquels s’ajoutent d’autres effets négatifs sur la santé (maladies cardiovasculaires et pulmonaires, …).  

Suite à la pandémie du coronavirus, les citoyens seront beaucoup plus sensibles aux politiques de santé – à renforcer – et il nous semble logique d’y inclure la pollution automobile – à réduire fortement. 

Notons également l’impact sur l’insécurité routière : en 2018, 604 personnes perdaient la vie sur les routes belges et 3.636 y étaient gravement blessées. 

 

Des voitures toujours plus lourdes et énergivores 

 

Or certaines caractéristiques fondamentales des voitures influencent fortement leur bilan climatique, sanitaire et en matière d’accidentologie, quelle que soit leur motorisation.  

Il s’agit de : la masse, la puissance, la vitesse maximale et le design de la face avant. 

Et en la matière, le secteur automobile ne cesse de concevoir et de mettre sur le marché des voitures toujours plus lourdes et énergivores (comme en témoigne par exemple la mode des SUV). 

Figure 1 : Evolution du rapport puissance/masse des voitures neuves vendues en Europe. Données : CEMT, 2001 et ICCT, 2016. 1980 : 8 pays – 1995 : 13 pays – 2001 : 27 pays – 2014 : 28 pays 

 

Notons que le marché des véhicules électriques, beaucoup plus récent et très largement minoritaire aujourd’hui, n’échappe pas à cette dérive et parfois l’exacerbe du fait du poids des batteries (voir plus bas). 

Voilà pourquoi l’idée d’une taxe sur le poids des véhicules semble plus efficace qu’une taxe sur le CO2.

 

Développer les transports en commun et les « voitures raisonnables » 

 

Face à ces constats, les associations plaident pour une mobilité et une accessibilité plus durable : 

  • Réduire nos besoins de transport : concentrer les habitats, commerces, bureaux, … dans des noyaux urbains proches des transports en commun ; 
  • Développer les transports en commun et les modes actifs (vélo, micromobilité, marche) ;  
  • Réguler la production des véhicules, pour favoriser les caractéristiques techniques et les technologies qui garantissent une amélioration nette de l’efficience globale de ces véhicules. 

 

Les signataires appellent ainsi les responsables politiques et administratifs, à tous niveaux de pouvoir, à faire pleinement usage de leurs compétences et pouvoirs décisionnels pour orienter le marché automobile vers des « voitures raisonnables » c’est-à-dire des véhicules plus légers, moins puissants, moins rapides, au profil plus fluide et à motorisation électrique, conformément au concept de LISA Car (light and safe car). 

 

La mobilité électrique couplée aux énergies renouvelables 

 

La fédération Inter-Environnement Wallonie et les autres associations coupent court au faux débat environnemental sur la voiture électrique et souligne tout l’intérêt d’une mobilité électrique : 

« Le moteur électrique est une alternative technique crédible et efficace au moteur thermique pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et de polluants locaux liées à l’utilisation d’une voiture. 

Les travaux les plus récents en matière d’analyse du cycle de vie (ACV) indiquent qu’un véhicule doté d’une motorisation électrique émet entre 40 et 60% d’émissions de CO2 en moins qu’un véhicule à motorisation « thermique » et que c’est d’autant plus vrai qu’il est léger et moins puissant.  

Pour que l’électrification du parc automobile exprime tout son potentiel, il est nécessaire d’avoir un maximum recours à la production d’électricité renouvelable. »

L’Europe vise un système énergétique Zéro carbone d’ici 2050. Autrement dit, à terme, tous les véhicules électriques seront produits et alimentés par une énergie 100% renouvelable. 

De plus, dans la perspective d’un système énergétique 100% renouvelables, les voitures électriques permettront d’intégrer massivement les productions photovoltaïques. Voilà pourquoi nous avons également besoin d’un réseau de recharge …lente !

Notons que l’électrification du parc automobile aura un effet bénéfique sur la santé et sur la qualité de vie, notamment en ville : un air plus sain à respirer et des véhicules nettement plus silencieux. 

La voiture électrique jouera un rôle déterminant pour intégrer et stocker massivement les productions photovoltaïques et les restituer sur le réseau électrique. 

 

Des batteries de taille raisonnable 

 

Une voiture modeste produira toujours moins d’incidences qu’une voiture plus lourde et plus puissante du fait que sa construction nécessitera moins de matières premières et que son utilisation induira une plus faible consommation d’énergie. 

Dans le cas d’une voiture électrique, il s’agira de calibrer la taille des batteries selon les besoins réels. 

Les associations rappellent ainsi que « vouloir assurer une autonomie des véhicules électriques équivalente à celle des voitures thermiques est contreproductif car cela implique la fabrication (énergivore et avide en matériaux rares – cobalt par exemple) de batteries surdimensionnées. »

La distance moyenne quotidienne de déplacement des ménages excède rarement 60 km. Prendre en compte cet indicateur orientera nécessairement vers des véhicules raisonnables. 

Lire à ce propos notre article Voitures électriques : « J’ai besoin d’une grande autonomie ». Vraiment ?

 

Agir sur les normes et la fiscalité 

 

En conclusion, les signataires de l’Appel invitent les responsables politiques et administratifs, à tous niveaux de pouvoir, à faire pleinement usage de leurs compétences et pouvoirs décisionnels pour orienter le marché automobile vers des « véhicules raisonnables ». 

Pour ce faire, ils peuvent agir sur :  

  • Les normes de produits (compétence européenne) : il s’agit plus précisément des normes en vigueur pour la mise sur le marché et l’homologation des véhicules neufs. Celles-ci devraient fixer des limites de masse, de puissance, de vitesse maximale et de design de la face avant pour les voitures neuves. Les Etats membres ont un rôle à jouer pour impulser une telle modification des normes en vigueur ;  
  • La fiscalité automobile (compétences régionales et fédérales). Il conviendrait d’adapter les différents outils fiscaux afin de les moduler en fonction de la masse et de la puissance avec pour objectif de contrer la dérive actuelle du marché automobile impulsée par les constructeurs ;  
  • Les réglementations de gestion d’accès (compétences locales et régionales) : il s’agit des dispositions visant à gérer la mobilité sur les territoires de communes ou de régions. En ce qui concerne l’automobile, la disposition la plus répandue à ce jour est la Zone de basse émission. Une gestion intégrant les critères repris dans le présent Appel est tout à fait possible. Fédération Inter-Environnement Wallonie a notamment proposé le concept de Low Danger Zone. 

 

Pour mieux comprendre tous les enjeux d’une mobilité durable, nous vous invitons à lire notre dossier Pourquoi la voiture électrique ne résoudra pas notre mobilité …mais jouera un rôle déterminant.