Le 26 mai 2023, Bruxelles-Environnement organisait son séminaire sur le partage et les communautés d’énergie. Cet évènement rassemblait plus de 400 personnes venues assister aux présentations des différents intervenants : Brugel, Sibelga, le Facilitateur Partage & Communauté d’énergie, ainsi que des porteurs de projets venus exposer leurs retours d’expérience.
Le 26 mai 2023, Bruxelles-Environnement organisait son séminaire sur le partage et les communautés d’énergie. Cet évènement rassemblait plus de 400 personnes venues assister aux présentations des différents intervenants : Brugel, Sibelga, le Facilitateur Partage & Communauté d’énergie, ainsi que des porteurs de projets venus exposer leurs retours d’expérience.
De la législation européenne aux projets des Bruxellois
Une importante révision de l’ordonnance organisant le marché de l’électricité à Bruxelles a récemment découlé d’un changement de réglementation européenne en la matière. Révisée le 17 mars 2022, cette ordonnance offre de nouvelles opportunités aux Bruxellois de devenir « actifs » sur le marché de l’électricité. Citoyens, entreprises, pouvoirs publics, peuvent en effet désormais se partager de l’électricité.
En fonction des caractéristiques du projet concerné (acteurs impliqués, localisation des participants, etc.), celui-ci revêtira une forme ou une autre (lire notre article : 5 questions sur les communautés d’énergie à Bruxelles). En vue d’accompagner les porteurs de projet souhaitant se lancer dans la démarche, Bruxelles Environnement a mis en place le service « Facilitateur Partage & Communauté d’énergie », qui fêtait son premier anniversaire à l’occasion du séminaire.
Théoriquement, les effets positifs attendus de cette nouvelle activité de partage s’illustrent au travers des trois points principaux suivants :
- Nouveaux modèles économiques centrés sur le consommateur : les projets de partage et de communautés d’énergie permettent à leurs participants de fixer le prix de l’électricité partagée. Suite à la crise des prix de l’énergie de 2022, ces projets s’inscrivent donc comme une réponse à la problématique de la lutte contre la précarité énergétique. En effet, l’électricité renouvelable produite localement permet de fixer un prix bas et stable dans le temps.
- Une implication du plus grand nombre dans la transition énergétique : même les personnes qui n’ont pas la possibilité d’installer des panneaux photovoltaïques peuvent désormais choisir de devenir consommateur d’une électricité renouvelable et locale.
- Une cohésion sociale : en s’investissant dans un projet commun et local, les participants à un partage d’énergie apprennent à se connaître, à s’approprier la thématique de l’énergie et à en devenir ambassadeurs.
Le séminaire était aussi l’occasion de présenter le cadre légal et les procédures à mettre en place pour construire un projet de partage d’énergie. Après une première partie théorique, des porteurs de projet sont venus objectiver ces concepts en présentant leur expérience de mise en place de projets et montrer que les effets positifs attendus d’un projet se concrétisent effectivement dans les faits.
De la théorie…
Le Ministre bruxellois chargé de la Transition climatique, de l’Environnement, de l’Energie et la Démocratie Participative, Alain Maron, a ouvert le séminaire avec un discours soulignant la place pionnière de la région Bruxelles-Capitale dans la transposition et la concrétisation des mesures provenant des directives européennes.
Le Facilitateur Partage & Communauté d’énergie a pu expliquer le fonctionnement d’une activité de partage ainsi que les différentes configurations possibles : le pair à pair, le partage au sein d’un même bâtiment et, enfin, les communautés d’énergie.
La suite de l’exposé matinal a été assuré par Brugel. L’autorité bruxelloise de régulation du marché de l’énergie joue un rôle essentiel dans le partage et les communautés d’énergie. En effet, l’autorité détermine la méthode pour fixer la grille tarifaire du marché de l’électricité. Parce que le partage d’électricité utilise le réseau public de distribution d’électricité, il est soumis au paiement de frais régulés. Brugel a fixé un tarif incitatif pour l’électricité partagée, lequel dépend du périmètre du partage. En outre, l’autorité assure un contrôle des activités de partage et des Communautés d’énergie. Celles-ci sont respectivement soumises au respect du Règlement Technique et de l’octroi d’une autorisation délivrée par Brugel. Le régulateur a ainsi eu l’occasion de présenter ce contexte légal.
C’était ensuite au tour de Sibelga de présenter le rôle qu’elle joue dans les activités de partage. L’administration gestionnaire du réseau de distribution opérationnalise le partage d’électricité grâce à ses compteurs intelligents qui communiquent à distance le volume quart-horaire consommé et/ou injecté par les participants à une activité de partage. Toute activité de partage doit donc être déclarée à Sibelga grâce à un formulaire, lequel a été présenté en détail lors du séminaire.
… A la pratique
Outre la théorie, un exposé de cas concrets a pu se faire à la lumière de de quatre projets déjà actifs, dont deux projets pilotes, adoptés sous le cadre dérogatoire, et deux projets adoptés sous le cadre légal actuel.
Nos Bambins
Marc Thonnard, membre de la Communauté d’énergie Nos Bambins Asbl à Ganshoren, est venu présenter le retour d’expérience de la première Communauté d’énergie bruxelloise. Regroupant 14 membres, cette Communauté partage l’électricité produite par les panneaux photovoltaïques situés sur l’école communale et sur les toitures de 3 particuliers. Au total, plus de 75% de l’injection est partagée entre les membres de la Communautés. La Communauté achète l’injection des prosumers à un tarif équivalent à celui pratiqué par leurs fournisseurs et la revend aux membres consommateurs à un prix inférieur au tarif social. En termes social, le projet a favorisé une cohésion de quartier en aidant les voisins à se rencontrer et l’Asbl fonctionne selon un mode de gouvernance démocratique. En termes environnementaux, Marc Thonnard pointe surtout la consommation locale de la production locale. Enfin, en termes économiques, l’Asbl ne fait aucun profit sur l’activité de partage, elle veille juste à l’équilibre entre les recettes et les dépenses de la Communauté.
Toutefois, le porteur de projet reconnaît les difficultés du projet, notamment celles liées aux obligations administratives et légales du fonctionnement en Asbl, ainsi qu’à la spécificité du secteur énergétique, dont les notions et les données ne sont pas toujours faciles à appréhender et à traiter par tout un chacun.
Sunsud
Initié en 2020 sous le cadre dérogatoire, le projet pilote Sunsud consiste en une activité de partage d’électricité au sein d’un même bâtiment à Saint-Gilles. Suite à l’installation des panneaux photovoltaïques par Foyer du Sud, la Société Immobilière de Service Public, un comité de locataires, accompagné de City Mine(d) et d’Energie Commune, est aux commandes de la mise en place du projet. Au total, sur les 36.000 kWh produits sur la toiture du bâtiment, seuls 8.000 kWh sont réinjectés sur le réseau pour être vendus à un fournisseur conventionnel. Le reste étant autoconsommé par les compteurs des communs et partagé entre les 22 appartements participants à cette activité de partage. En moyenne, ces derniers économisent individuellement 15% du montant de leur facture d’électricité, avec un prix stable de l’électricité partagée inférieur à 10 c€/kWh. Et ce, depuis le début du projet.
Finalement à Sunsud, ce n’est pas le prix bas et stable qui caractérise le projet, mais plutôt sa plus-value sociale. Grâce à un travail d’accompagnement des locataires, l’implication intensive de ces derniers dans le projet leur a permis un apprentissage des questions énergétiques. Un comité de gestion s’est formé avec quelques participants, lesquels sont devenus de vrais ambassadeurs de la transition énergétique. Des liens de confiance et de collaboration ont pu être tissés avec le Foyer du Sud et entre voisins.
Le pair à pair
Isabelle Graux fait partie des premières personnes à avoir mis en place un projet de partage d’électricité de pair à pair à Bruxelles. Cette configuration est sûrement l’une des plus simples à mettre en place pour un partage d’électricité. Elle consiste à partager l’injection d’électricité renouvelable produite par un producteur vers un consommateur. Pour Isabelle, la motivation pour se lancer dans la démarche s’inscrivait dans une philosophie globale de consommation. La Bruxelloise a comparé le « manger bio & local » au partage d’électricité. La différence principale résidant dans le fait que le partage d’électricité permet de faire de réelles économies. Certes, des craintes existaient face au nombre important d’informations à traiter lorsque l’on commence à s’intéresser au partage. Heureusement, l’accompagnement du Facilitateur Partage & Communauté d’énergie se révèle efficace dans ces moments-là. Disposant d’une installation photovoltaïque, Isabelle devrait d’abord trouver un consommateur pour son partage de pair à pair. Au vu du caractère « win-win » d’un partage de pair à pair, elle a facilement su trouver un voisin qui a accepté d’être le consommateur. Ensemble, ils ont décidé de fixer le prix de l’électricité partagée au niveau du tarif social, avec une réévaluation du prix tous les 6 mois.
Le partage au sein d’un même bâtiment
Représentée par Johan Deryckere, l’Association des copropriétaires « Equinoxe » à Auderghem s’est lancée dans la mise en place d’un partage d’électricité au sein du même bâtiment en ce début d’année 2023. Cette petite copropriété d’une dizaine de lots a décidé de partager entre les occupants l’électricité produite sur la toiture et qui n’alimentait jusque-là que le compteur des communs. Les immeubles en copropriété sont particulièrement bien adaptés à la mise en place d’un partage d’électricité : une toiture unique commune à plusieurs personnes, un espace de discussion régulier au travers des Assemblées Générales, un compte bancaire commun… sont autant d’éléments nécessaires à la mise en place d’un partage entre plusieurs personnes et qui sont déjà présents dans les copropriétés. De plus, un partage d’électricité au sein d’un même bâtiment bénéficie de la réduction tarifaire sur les frais de réseau la plus avantageuse ! Johan et les autres copropriétaires ont dû se mettre d’accord sur le prix de vente de l’électricité partagée et sur la méthode de répartition de l’injection entre les participants au partage. Ils ont finalement décidé de se vendre l’électricité partagée à un prix inférieur de 40% au prix moyen de l’électricité par les fournisseurs conventionnels et de répartir l’électricité au prorata des consommations de chacun. L’installation photovoltaïque sur leur toiture produit 20.000 kWh/an qui, après autoconsommation par le compteur des communs, sont disponibles pour être consommés par les 14 appartements participant au partage.
De mieux en mieux !
Plus d’un an après la révision de l’ordonnance « Electricité » autorisant l’activité de partage et les Communautés d’énergie, l’heure est au bilan. Le temps de l’appropriation de la règle laisse place à l’implémentation des premiers projets. Une petite vingtaine d’activités de partage d’électricité ont désormais démarré. Si a priori les démarches administratives peuvent en effrayer certains, aujourd’hui tous les outils nécessaires à la mise en place des projets sont mis gratuitement à la disposition de tous. En effet, la complexité administrative est réelle mais de plus en plus facilement balayée grâce, notamment, à l’aide des facilitateurs qui n’ont jamais aussi bien porté leur nom. Sans compter, aussi, sur le développement permanent des outils et l’apprentissage des premières expériences eux aussi systématiquement intégrés.