L'agrivoltaïsme pourrait, à terme, s'imposer comme l'une des sources d'énergies renouvelables les plus rentables pour les agriculteurs pour autant qu'ils combinent idéalement la co-existence de la faune et de la flore qui y seront entretenues en marge de la production électrique. Avec, au final, tout bénéfice pour l'exploitant mais aussi pour la planète.
Comme le souligne la fédération Edora dans sa note de positionnement sur le plan air climat énergie de la Wallonie, les mesures wallonnes en vue d’éliminer les sources d’énergie fossiles d’ici 2050 doivent être mis en adéquation avec leurs ambitions. En ce qui concerne le déploiement photovoltaïque, « l’objectif est certes concret mais il nécessite un cadre de soutien et l’anticipation de politiques nettement plus favorables dans plusieurs secteurs concernés ». Parmi ceux-ci, l’agrivoltaïsme.
Agrivolta-quoi ??
La définition idéale de l’agrivoltaïsme (qui a bien évolué depuis l’un de nos premiers articles sur le sujet il y a plus de deux ans) , serait d’en dire qu’il réside dans l’association de panneaux solaires et d’une culture, sans induire ni dégradation importante de la production agricole ni diminution des revenus de cette production. En cerise sur le gâteau, il s’agirait aussi de soutenir l’adaptation des systèmes de culture aux changements climatiques (protection ou atténuation des aléas comme la grêle, la chaleur, la sécheresse ou encore l’amélioration du bien-être animal en aménageant des zones d’ombre ou moins exposées à la pluie).
Une étude publiée dans la revue Nature estime que si 1% de la surface utilisée pour l’agriculture sur la planète était combinée à la production photovoltaïque, la totalité de la demande mondiale en électricité serait couverte. Ça aussi, c’est dans un monde idéal. Mais… Même s’il permet une productivité élevée d’énergie, l’agrivoltaïsme soulève de nombreuses interrogations, notamment celles liées au modèle agronomique des exploitations agricoles, au type de culture qui en bénéficient…ou en souffrent ainsi qu’aux types de sols par exemples, qui y correspondent le mieux.
Une optimisation du rendement solaire/lumière
Selon Christian Dupraz, chercheur à l’Institut National de Recherche pour l’Agriculture et l’Environnement (INRAE) de Montpellier : « on constate que les plantes n’utilisent qu’une faible fraction du rayonnement du soleil: elles ne capturent en gros que 30% du rayonnement solaire. Donc, à condition de laisser la lumière aux plantes au moment où elles en ont besoin, il y a là un gisement très important d’énergie solaire sans pénaliser l’agriculture (…) En outre, cela permet jusqu’à 30% de réduction d’évapotranspiration sous les panneaux selon leur densité, leur orientation ou leur pilotage tout en offrant une protection contre le gel en mettant les panneaux à l’horizontale la nuit.»
Des effets contrastés sur la production agricole
Tout le monde n’est pas aussi enthousiaste que le chercheur de Montpellier et il semblerait, par exemple, que toutes les cultures ne soient pas optimisées par l’agrivoltaïsme. Bien au contraire.
Les céréales moins, les fruits, plus…
L’installation de systèmes agrivoltaïques influe sur les radiations solaires, la température et l’humidité du sol situé sous les panneaux. Mais pour certaines catégories de cultures, la diminution du rayonnement reçu semblerait être impactant sur les performances des cultures agricoles. Avec, par exemple pour certaines céréales, en moyenne 30% de rendement inférieur sous les panneaux agrivoltaïques selon cette étude. A l’inverse, les légumineuses en général, et certaines cultures fruitières en particulier, ont un meilleur potentiel de rendement grâce à ces conditions partiellement ombragées. Il sera donc idéal de ne pas mettre n’importe quelle culture sous une installation agrivoltaïque ou…de ne pas installer une structure agrivoltaïque sur n’importe quel type de culture.
Dans la vigne aussi
Pionnier mondial de l’agrivoltaïsme en milieu viticole, le domaine de Nidolères dans les Pyrénées-Orientales, a installé sur 4,5 ha de vignes, des panneaux solaires en persienne dès 2018. Aujourd’hui, il en est à sa deuxième vendange sous panneaux et fait état d’un très bon rendement, d’une amélioration de la qualité des raisins et d’une meilleure maîtrise du degré d’alcool (- 1 degré enregistré). Le pilotage des panneaux solaires est, selon lui, un vrai atout d’une part pour protéger la vigne des aléas climatiques en diminuant par exemple l’impact des gels tardifs, des gelées blanches de printemps…et de l’autre pour gérer l’ensoleillement au plus près des besoins de la plante. L’ouverture des panneaux étant en effet automatiquement pilotée en fonction des paramètres de chaleur, d’ensoleillement et de la volonté pour le vigneron de booster le fruit ou de protéger celui-ci par exemple.
Des abeilles pas si perturbées
La mise en place de centrales agrivoltaïques peut modifier les propriétés du sol à l’échelle de la parcelle agricole, et donc la biodiversité locale à court et long terme (mais pas nécessairement négativement). Parmi les indicateurs clés de cette biodiversité, les insectes pollinisateurs. Selon Xavier Rennotte, fondateur de Nectar&Co, « il n’y a à ce stade aucune étude scientifique qui puisse démontrer que l’agrivoltaïsme soit mauvais pour les abeilles. A l’inverse, le bon sens et une gestion intelligente de ces projets pourraient amener à penser que pareilles installations agrivoltaïques peuvent être bénéfiques pour les abeilles. Les panneaux solaires offrent de l’ombre et créent un microclimat plus frais qui peut être bénéfique pour les abeilles en été ». Les plantes cultivées sous les panneaux peuvent également fournir des sources de nourriture supplémentaires pour les abeilles. L’idéal étant, dans ce cas, de privilégier ne fut-ce qu’une partie de plantes mellifères.
Agriculteur locataire versus propriétaire
Reste alors la question de la pression foncière déjà très forte sur les terres allouées à l’agriculture. Et le danger de la réduction de mise à disposition de terres agricoles par les propriétaires fonciers aux agriculteurs locataires et exploitants.
L’idéal serait d’avoir un agrivoltaïsme réglementé sur cet aspect également. Car le loyer versé par certains porteurs de projets énergéticiens en contrepartie d’installations solaires peut être nettement plus élevé que ce que peut rapporter la location des terres. Cette attractivité peut inciter une spéculation et engendrer une augmentation de la valeur des terres et/ou de l’exploitation agricole.
Un cadre légal nécessaire
Même si le ministre Henry ne semble donc pas des plus ardents défenseurs de cette pratique pourtant jugée par bon nombre d’experts comme s’inscrivant résolument dans l’avenir, un cadre légal est à venir en Wallonie, notamment au travers de l’adaptation la circulaire de janvier 2022. Cette adaptation devrait donc idéalement inclure une forme d’équilibre exigé entre production électrique et nourricière combinée sur les terres agricoles disponibles. Un peu à l’instar ce qui s’est fait récemment chez nos voisins français avec l’adoption il y a deux mois de la loi relative à la production des énergies renouvelables qui pose un cadre légal très clair à l’agrivoltaïsme. A commencer par celui, très logique, d’imposer le fait que l’installation apporte directement à la parcelle agricole au moins l’un des services suivants :
« 1° L’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques ;
« 2° L’adaptation au changement climatique ;
« 3° La protection contre les aléas ;
« 4° L’amélioration du bien-être animal.
Un exemple à suivre ? L’avenir nous le dira.
Lire aussi sur le même sujet, notre article (2021) sur l’intérêt du bifacial en agrivoltaïsme ou sur les premières balises de l’agrivoltaïsme en Wallonie.