Les premières éoliennes installées voici 15 ans en Wallonie vieillissent et s’avèrent moins performantes que les modèles actuels. Les développeurs envisagent de les remplacer et augmenter ainsi la production éolienne.
Les premières éoliennes installées voici 15 ans en Wallonie s’essoufflent peu à peu et demandent des entretiens plus fréquents et coûteux.
Or le régime de soutien des certificats verts s’achève précisément après 15 ans. Se pose dès lors le problème d’un risque grandissant d’avaries, nécessitant des investissements d’entretien, alors même que le parc éolien ne bénéficie plus de soutien.
La durée de vie économique d’une éolienne s’étale théoriquement sur 20 ans. Moyennant un investissement plus ou moins conséquent, ces éoliennes devraient donc pouvoir encore produire 5 ans au moins.
Entretemps, l’évolution technologique a mis sur le marché des turbines bien plus puissantes et performantes.
Que faire dès lors de ces éoliennes vieillissantes ?
Les développeurs wallons s’interrogent sur les 3 options possibles : soit remplacer complètement ou partiellement le parc éolien par des machines plus modernes (repowering), soit réaliser des investissements “de jouvence”, soit exploiter le parc éolien sans investissement jusqu’à un souci majeur sur le plan technique (pale fêlée par exemple).
Voici ce que cela donne déjà (ou donnerait) sur le terrain et avec quelles évolutions pour les productions d’énergie éolienne en Wallonie.
Le repowering partiel ou complet
Le repowering d’un parc éolien consiste à remplacer complètement ou partiellement les éoliennes existantes par de nouvelles turbines de technologie plus performante.
Une première expérience pourrait bientôt voir le jour en Wallonie. Elle concerne le premier parc éolien wallon, installé en 2002 à Sainte-Ode.
L’exploitant, la société Renewable Power Company, compte démonter 6 éoliennes de 1,25 MW (hauteur de 124 m) et les remplacer par 4 éoliennes d’une puissance nominale comprise entre 2 et 3,5 MW (hauteur de 150 m). La puissance totale du parc passerait donc de 7,5 MW à une puissance située entre 8 et 14 MW. Une demande de permis a été récemment introduite en ce sens.
Précisons ici 4 éléments importants :
- Les anciennes éoliennes étaient de moindre puissance et de moindre taille ; on pouvait donc en placer 6 sur un espace déterminé. Les nouvelles éoliennes seraient plus puissantes et plus grandes, voilà pourquoi on ne pourrait en placer que 4 sur ce même espace.
- L’évolution technologique tend à augmenter la taille des pales, ce qui permet d’augmenter la production d’électricité pour une même puissance. A Sainte-Ode, cela signifie que pour une puissance similaire (7,5 MW hier et minimum 8 MW demain), la production serait nettement plus élevée.
- Au début du développement éolien en Wallonie, les machines étaient plus petites et les distances imposées par rapport à l’habitat était moins importantes. Depuis lors, le cadre de référence a établi des normes plus strictes. A Sainte-Ode, la distance choisie à l’époque respecte justement ces nouvelles normes (distance de 600 m par rapport à la zone d’habitat et de 400 m aux habitats isolés). Un repowering est donc possible. Ce qui n’est pas le cas des anciens parcs éoliens situés trop près des habitations.
- De même, les normes en matière de limitation de la hauteur de machines peuvent introduire des restrictions (par exemple en raison de contraintes militaires). Cela pourrait empêcher de remplacer de petites éoliennes par des machines plus hautes. C’est le cas du parc éolien de Bütgenbach exploité par Engie depuis 2003, qui ne pourra donc pas effectuer de repowering.
S’il est autorisé après le 1er janvier 2020 le nouveau parc éolien de Sainte-Ode bénéficierait du nouveau régime de certificats verts qui prévoit un soutien à 0,6 CV/MWh durant 20 ans. Comme tout nouveau parc éolien en Wallonie. Précisons que le niveau du taux d’octroi pour la période de 20 ans et la date exacte de démarrage du nouveau mécanisme font encore l’objet de discussions au Gouvernement wallon.
A noter que le projet de repowering à Sainte-Ode se trouverait dans la continuité de l’extension actuelle (Sainte-Ode 2), installée en 2009 et qui compte 6 éoliennes de 2,5 MW.
Le développeur éolien wallon peut également décider de ré-investir dans un parc existant (âgé de 15 ans) en remplaçant uniquement les éléments devenus trop problématiques (par exemples le rotor, les pales ou autres éléments mécaniques).
Actuellement, le régulateur wallon du marché de l’énergie – la CWaPE – doit analyser la demande et décidera d’un taux d’octroi de certificats verts spécifique au projet, selon les coûts d’investissement et d’entretien, afin d’en assurer la rentabilité (soutien prévu sur 15 ans).
Aucune demande n’a encore été introduite à ce jour pour le secteur éolien.
Certains développeurs y auront recours si, par exemple, le mât est toujours en bon état et qu’il est possible, pour un investissement limité, d’installer une turbine plus puissante et/ou plus performante.
Comme dans le cas du repowering complet, les nouvelles éoliennes produiront plus d’électricité verte et amélioreront ainsi le bilan CO2 du parc électrique wallon.
Prolonger l’exploitation par des investissements “de jouvence”
Une nouvelle réglementation devrait bientôt permettre au développeur de prolonger l’exploitation d’une éolienne au-delà de 15 ans, et de bénéficier de certificats verts durant encore 10 ans (à un taux réduit, cependant), afin d’amortir notamment les investissements “de jouvence” permettant de garantir une prolongation de la production et de couvrir les coûts d’entretien plus importants en fin de vie.
Par cette nouvelle disposition, le Gouvernement wallon souhaite éviter un repowering trop précoce (parfois prématuré selon la technologie concernée), ou la pratique du “run to failure” (investissement de façon très limitée dans l’outil de production, jusqu’à ce qu’une panne majeure ou une casse vienne arrêter brusquement la production, sans effectuer de réparation, pour cause de manque de rentabilité de l’outil).
Le soutien par les certificats verts pendant 10 ans supplémentaires permettrait donc d’assurer le maintien d’une production éolienne en vue d’atteindre les objectifs d’énergies renouvelables en Wallonie.
Il pourrait également permettre de maintenir la production actuelle durant la phase d’étude et de demande de permis que nécessite un repowering. Ou enfin de garantir une production dans des cas où les contraintes (par exemple de hauteur d’éolienne) ne permettent pas d’envisager un repowering.
Les développeurs et exploitants éoliens marquent déjà leur intérêt pour cette future option. Ils soulignent cependant que, si des changements réglementaires ouvraient une opportunité intéressante d’investissement dans de nouvelles turbines, il serait intéressant d’analyser les bénéfices au niveau sociétal (maximisation de la production renouvelable à un endroit donné).
Les possibilités techniques pour prolonger la vie des éoliennes après 15 ans existent, avec des marchés de seconde main de plus en plus développés en matière de pièces de remplacement pour des anciennes turbines ou de l’expérience accrue en matière de conception de pièces au niveau wallon.
A titre d’exemple, EDF EN, qui assure l’entretien et la maintenance de la majorité des parcs exploités par EDF Luminus, se fournit souvent sur le marché allemand de la seconde main pour remplacer des pièces des machines du parc de Villers-le-Bouillet, opérationnel depuis 2005.
De manière générale, cette tendance au repowering et au ré-investissement sur les parcs éoliens existants permet d’augmenter la production d’électricité verte et d’améliorer le bilan CO2 de la Wallonie.