L’engouement industriel et politique pour l’hydrogène vert est une bonne nouvelle. Ce vecteur énergétique est en effet essentiel pour stocker l’électricité renouvelable et décarboner l’industrie. Mais son usage s’avère moins pertinent dans le transport et à bannir pour le chauffage des bâtiments.
Le développement industriel de l’hydrogène vert, tant attendu, prend enfin son essor international.
L’Europe a initié un Plan pour l’hydrogène propre (lire ce communiqué) et les gouvernements nationaux en font l’un des secteurs prioritaires pour leurs plans de relance économique.
En Belgique, des acteurs industriels comptent produire de l’hydrogène vert à grande échelle ; tandis que Fluxys – gestionnaire du réseau de gaz – prépare l’adaptation de son réseau pour transporter massivement ce nouveau gaz décarboné.
C’est en soi une bonne nouvelle car l’hydrogène vert permet de stocker les surplus d’électricité éolienne et photovoltaïque et de les consommer plus tard, quand il y a moins de vent ou de soleil. C’est donc un vecteur qui nous permettra d’atteindre un mix électrique 100% renouvelable.
L’hydrogène vert permet également de décarboner certains processus industriels. En Suède, des industriels comptent ainsi produire pour la première fois de l’acier « zéro carbone », initiant une véritable révolution dans ce secteur.
Consultez toutes ces initiatives sur notre page hydrogène.
Pas toujours pertinent
Mais l’hydrogène vert ne s’avère pas toujours la solution la plus pertinente.
Au vu de l’engouement actuel, certains acteurs tentent d’en baliser les futurs usages, afin d’éviter d’éventuelles impasses énergétiques.
Rappelons d’abord que 95% de l’hydrogène actuellement produit dans le monde est d’origine fossile et que l’hydrogène vert (5%) reste 4 à 5 fois plus cher.
L’agence BloombergNEF a récemment publié un rapport qui prévoit que l’hydrogène d’origine renouvelable va coûter de moins en moins cher et devenir compétitif face à l’hydrogène d’origine fossile d’ici 2050, grâce à la chute des coûts du photovoltaïque (lire cette dépêche AFP).
Mais même compétitif, l’hydrogène vert ne pourra répondre à tous les usages énergétiques.
L’association Energy Cities, qui regroupe les villes européennes en transition énergétique, publie ainsi un guide qui a le mérite de clarifier le débat et d’éclairer les décideurs. L’illustration ci-dessous classe ainsi les usages de l’hydrogène vert du plus au moins pertinent – un classement qui commence à faire consensus parmi les experts.
Comme on peut le voir, l’hydrogène vert s’avère essentiel pour décarboner l’industrie lourde (en particulier l’acier, le ciment, la céramique, la raffinerie et la chimie) et le stockage à grande échelle. Il peut aussi utilement remplacer le diesel dans le transport par bateau et par train quand l’électrification n’est pas possible (lire notre article Les premiers trains à hydrogène sont sur les rails, pour une mobilité plus propre).
Viennent ensuite des usages de moins en moins pertinents.
Le rôle des véhicules électriques
“Si elle veut se faire une place dans la mobilité, la solution hydrogène devra dans tous les cas franchir encore de nombreux obstacles techniques et économiques qui doivent inciter pour l’heure à la plus grande prudence”, résume l’association de référence NegaWatt dans ce rapport.
En effet, les véhicules équipés en hydrogène présentent des coûts prohibitifs par rapport aux autres solutions décarbonées (biogaz et électricité).
En outre, les véhicules électriques sont appelés à jouer un rôle très important : le stockage et l’équilibrage du réseau électrique lors des pics de production photovoltaïque.
Dans la perspective d’un réseau 100% renouvelables, les véhicules électriques connectés au réseau (vehicle-to-grid) joueront en effet un rôle de batteries mobiles. Ils se rechargeront en journée en se connectant à des bâtiments équipés en photovoltaïque.
C’est pourquoi de nombreux acteurs estiment qu’une électrification de la plupart des véhicules s’avère essentiel pour la transition énergétique ; d’autant plus que les infrastructures électriques sont plus faciles à mettre en œuvre qu’un réseau de distribution d’hydrogène.
Les voitures électriques s’avèrent ainsi plus pertinentes que les voitures à hydrogène.
En ce qui concerne les bus, les modèles électriques peuvent fonctionner avec des batteries de taille raisonnable et se recharger régulièrement aux arrêts et la nuit.
Par contre, un débat reste ouvert concernant les camions. Selon Energy Cities, les poids lourds devraient opter pour l’électrification afin de jouer également ce rôle de stockage et équilibrage du réseau. Mais, dans l’état actuel de la technologie, cela nécessiterait des batteries beaucoup trop volumineuses. D’autres acteurs estiment dès lors qu’une conversion à l’hydrogène s’avère la meilleure option.
Bâtiments : les pompes à chaleur sont plus efficientes !
Enfin, Energy Cities se mobilise actuellement contre l’usage annoncé de l’hydrogène vert pour chauffer les bâtiments et décarboner ce secteur.
33 associations industrielles, entreprises, ONG et think tanks ont ainsi adressé un courrier à la Commission européenne lui demandant de donner priorité à la performance énergétique (une meilleure isolation des bâtiments qui réduira les besoins de chauffage) et aux solutions technologiques disponibles telles que les pompes à chaleur.
L’hydrogène vert demande 5 fois plus d’électricité pour chauffer une maison qu’une pompe à chaleur. En d’autres mots, un système de chauffage basé sur l’hydrogène consomme entre 500 et 600% plus d’énergies renouvelables que les pompes à chaleur, pour un coût 50% plus élevé (lire cette analyse comparative).
Ces acteurs s’appuient entre autre sur une étude de la London Energy Transformation Initiative qui conclut qu’un volume suffisant d’hydrogène vert ne sera pas disponible dans un futur prévisible pour chauffer les bâtiments.
Pour le chauffage, l’étude estime que l’usage direct de l’hydrogène vert s’avère peu efficient par rapport à des pompes à chaleur alimentées par un réseau électrique 100% renouvelable (voir illustration ci-dessous).
Les décideurs devront ainsi choisir entre l’hydrogène et l’électricité pour assurer la transition énergétique la plus efficiente possible.