L’intermédiaire « hydrogène » pourrait constituer une solution crédible pour renforcer la flexibilité des sources renouvelables dans le mix énergétique. En Belgique, Hydrogenics explore cette piste industrielle.
Les anglo-saxons l’ont baptisée « Power-to-Gas » (PtG). Une solution qui consiste à utiliser l’électricité excédentaire des productions renouvelables – principalement éoliennes et solaires – pour produire par électrolyse de l’oxygène (O2) et de l’hydrogène (H2). Ces gaz peuvent alors être aisément stockés ou valorisés à travers différents usages. De quoi répondre à la question de la variabilité du renouvelable.
La société flamande Hydrogenics, située à Oevels près d’Anvers, est l’une des rares entreprises belges à explorer cette piste. Elle nous a expliqué son intérêt.
Sur le papier, la démarche est séduisante. L’électricité (ici renouvelable) produit, par électrolyse, de l’eau, de l’oxygène (O2) et de l’hydrogène (H2). Le premier gaz peut être rejeté dans l’atmosphère ou commercialisé, notamment dans les hôpitaux. De son côté, l’hydrogène peut aisément trouver preneur dans l’industrie, en particulier celle de la chimie et celle de la pétrochimie. Il constitue aussi une des pistes en matière de mobilité (gaz combustible, hydrogène carburant, méthanol, CNG…) pour s’affranchir des carburants fossiles.
Mais le plus intéressant, pour ceux qui planchent sur la transition énergétique, c’est que cet hydrogène peut aussi être injecté tel quel dans le réseau de gaz de ville, sous sa forme initiale (H2), bien que dans des proportions très limitées : 2 à 3% au stade actuel. Cette limite est imposée par les gestionnaires de réseaux de gaz pour diverses raisons liées à la sécurité, à la structure des canalisations et des citernes de stockage, ou à la compatibilité avec les utilisateurs finaux (certaines turbines à gaz n’acceptent que de très faibles taux d’hydrogène).
Or cette limite n’a plus lieu si on méthanise l’hydrogène pour en faire un méthane de synthèse. La fameuse question du stockage se trouve ainsi techniquement résolue via un autre vecteur – le gaz naturel – dont le destin économique est aujourd’hui lié à l’électricité, mais dont les capacités de stockage en termes de volume sont infiniment plus importantes.
A noter qu’il est également possible de reconvertir l’hydrogène en électricité dans une pile à combustible. On obtient cependant des rendements considérablement réduits du fait de cette deuxième opération.
On voit donc bien, à travers ces quelques explications et le schéma ci-dessous, à quel point la valorisation par électrolyse de l’eau des excédents de production électrique renouvelable peut se trouver démultipliée, aussi bien en termes d’usages finaux (chauffage, mobilité, etc) qu’en termes spatiaux (réseaux de gaz) et temporels.
Figure : Schéma de conversion Power-to-Gas. D.Thomas, Hydrogenics, juin 2015.
La piste Power-to-Gas deviendra-t-elle déterminante dans la transition énergétique qui nous occupe ? Pour obtenir un début de réponse, il faut savoir que le rendement du procédé d’électrolyse est de l’ordre de 65%. L’industriel qui voudra valoriser les gaz obtenus devra aussi tenir compte de certains coûts additionnels, en fonction de l’utilisation finale envisagée. Voici les spécificités des principales utilisations :
- Le coût d’injection d‘hydrogène tel quel dans le réseau de gaz (limité à 2 ou 3%) reste 2 à 3 fois plus cher que le prix d’achat du gaz naturel sur le marché traditionnel;
- La transformation de l’hydrogène en gaz naturel (CH4) par méthanisation (Power-to-Gas) permet d’utiliser presque toute la capacité de stockage de ce réseau. A noter que la méthanation nécessite une source de CO2 dont la capture est un procédé qui s’avère être énergivore;
- L’hydrogène peut aussi être acheminé tel quel auprès du client industriel (Power-to-Chemicals), pour autant que celui-ci lui en offre un prix acceptable par rapport à ses autres sources d’approvisionnement;
L’hydrogène (après raffinage) peut également être acheminé et stocké auprès des stations chargées d’approvisionner des utilisateurs finaux (voitures, camions, etc.) (Power-to-Mobility) ou d’être transformé en d’autres carburants comme le méthanol ou le gaz naturel (Power-to-Fuels);
- En tant que vecteur électrique, via par exemple des piles à combustibles (Power-to-Power), l’hydrogène offrirait une solution de stockage au même titre que les batteries, mais avec des rendements nettement moindres (moins de 30% au final).