Photovoltaïque : le bifacial promis à un bel avenir

Produire de l’électricité solaire avec les deux faces d’un panneau devient une réalité. Couplée à un tracker, la technologie bifaciale atteint même des records de compétitivité à 11€/MWh. Retours d’expérience.

En gestation et tests depuis plusieurs années, la technologie photovoltaïque bifaciale commence à émerger sur le marché, au vu de ses avantages :

  • Le bifacial produit de l’électricité grâce au rayonnement global provenant du soleil en utilisant à la fois sa face avant et sa face arrière (illustration ci-dessus). Comparé à un panneau traditionnel, un modèle bifacial produit donc une quantité supplémentaire d’électricité par unité de surface occupée.
  • Son prix légèrement plus élevé est compensé par la quantité additionnelle d’électricité produite.

La technologie bifaciale se développe aujourd’hui partout dans le monde et donne des retours d’expérience très prometteurs. Renouvelle a pu participer à une formation organisée par GO PV sur le sujet, dont voici un compte-rendu utile.

Source : CEA-INES 

Trois ratios pour évaluer le rendement

La face avant du panneau est la seule à bénéficier du rayonnement solaire direct. Mais les deux faces bénéficient du rayonnement diffus (causé par les nuages notamment) et de l’albedo c-à-d du pouvoir réfléchissant du sol et des surfaces proches. La neige réfléchira ainsi plus de rayonnement que l’herbe ou bien l’asphalte. L’albedo change au fur et à mesure des saisons, car la neige et la végétation ne recouvrent pas constamment le sol dans les mêmes proportions.

Pour évaluer le rendement d’un projet bifacial, le développeur doit évaluer trois ratios.

Le premier ratio (« bifacial  irradiation gain ») calcule l’irradiation reçue sur la face arrière par rapport à l’irradiation reçue sur la face avant. Ce ratio approche les 5 à 15% sur des surfaces normale (herbe, béton, …) dépendant de l’albedo.

Des projets sont ainsi installés sur du sable blanc ou sur des bâches synthétiques blanches afin d’augmenter le pouvoir réfléchissant du sol et optimiser ce ratio.

Le deuxième ratio (« module bifaciality ») calcule la puissance nominale arrière par rapport à la puissance nominale avant. Ce ratio dépend de la technologie des cellules et du type de parois du module (verre, polymère, …), mais est généralement compris entre 60 et 95%. Ce ratio désigne l’efficacité de la face arrière par rapport à la face avant à fonctionner à puissance nominale.

Un ratio de 95% signifie que la face arrière à presque la même efficacité que la face avant. Mais ce ratio ne veut pas dire que la face arrière produira la même quantité que la face avant car la production dépend de la quantité d’énergie rayonnée que peu recevoir la face arrière, et donc une technologie très bonne avec un rendement de 95% dans un environnement à faible albedo, ne produira pas beaucoup d’énergie en face arrière.

Le troisième ratio (« bifacial energy gain ») calcule le gain supplémentaire d’électricité produite avec la face arrière. Il est lié au deux précédant ratios. Un panneau bifacial produira entre 5 et 10 % d’électricité en plus qu’un panneau normal sur l’année (5 à 7% sur herbe, 8 à 10% sur sol blanc). Ces gains sont plus pertinents dans les pays où le rayonnement diffus est important (rayonnement réfléchi par les nuages sur la face arrière du panneau – voir illustration en haut de l’article). Ce ratio est par exemple beaucoup plus important en Norvège qu’en Espagne – où les rayonnements sont essentiellement directs (rayons provennant directement du soleil sur la face avant du panneau).

Ce troisième ratio est le résultat du produit des deux premiers ratios (« bifacial energy gain » = « module bifaciality » x « bifacial  irradiation gain »).

Les développeurs étudieront donc chacun de ces ratios pour évaluer la rentabilité de leur projet, selon les contraintes spécifiques du site.

A noter que le système bifacial demande une structure portante appropriée à la technologie : hauteur libre plus importante et dégagée en partie basse pour empêcher les ombres.

Des cellules bifaciales à moindre coût

Les projets bifaciaux, initialement plus coûteux et plus risqués, deviennent aujourd’hui très compétitifs.

Notons par exemple que la production de cellules bifaciales se fait désormais au même coût que des cellules monofaciales. Au niveau industriel, les procédés PERC et PERT sont les plus faciles à transformer en bifaciale.

Le type PERC-p reste le moins cher sur le marché (70-90% de bifacialité), c-à-d que la puissance de la face arrière n’est pas tout à fait similaire à la puissance de la face avant.

Les procédés HJT/SHJ sont très efficaces (95% de bifacialité) mais coûtent plus chère que les PERC/PERT. La puissance de la face arrière est presque similaire à la face avant.

Le tracking augmente la performance

Les systèmes bifaciaux ont prouvé qu’ils étaient encore plus performants lorsqu’ils sont combinés à un tracking sur un axe horizontal.

Un tracker permet de faire pivoter le panneau selon la courbe du soleil et donc d’optimiser la production d’électricité (photo ci-dessous).

Par rapport à une installation classique fixe, le tracking permet d’augmenter la production électrique de 10 à 25% selon la région géographique (plutôt 10% en Belgique et 25% en Espagne) pour un coût supplémentaire de 15%, ce qui rend cette technologie peu pertinente en Belgique mais plus intéressante en Espagne. Et si on équipe le panneau de cellules bifaciales, on ajoute 4 à 15% de production supplémentaire.

Le plus grand projet de ce type a été réalisé en 2018 en Chine, dans la province de Qinghai, totalisant 71 MW de modules bifaciaux (photo ci-dessous et lire cet article du Taiyangnews).

Ce projet chinois permet de se faire une idée des performances.

Le premier graphique ci-dessous indique, les gains de production d’électricité en passant de cellules monofaciales à des cellules bifaciales (+10%). Le deuxième graphique montre que les cellules bifaciales les plus performantes (n-PERT), installées sur un tracker, booste la production (+22%) et produisent ainsi 25% d’électricité en plus qu’un système monofacial fixe.

Source : GOPV

25% d’électricité en plus

Un gain de 25% d’électricité supplémentaire, c’est beaucoup !

Comparons avec le contexte belge.

Une installation photovoltaïque standard, sur une toiture orientée Sud et inclinée à 30-35°, offre une production généralement estimée à 940 kWh/kWc.

Imaginons à présent un projet belge de tracking avec système bifacial performant, sur sol blanc : un gain de 25% permettrait une production de 1175 kWh/kWc. Cependant, au vu du prix du terrain en Belgique, les modèles bifacial sur tracking 1 axe serait difficilement concurrentiels par rapport aux sytèmes fixes actuels. Mais des projets sur des friches industrielles sont envisageables.

Un prix record à 11€/MWh

Au niveau international, les projets bifaciaux avec tracking ont ainsi atteint une compétitivité inédite à 17€/MWh (coût actualisé de l’énergie – LCOE).

Un premier record a été établi par l’immense parc solaire Mohammed Bin Rashid Al Maktoum en cours de construction à Dubaï et qui atteindra 5 GW d’ici 2030. Pour la 5ème phase du projet (900 MW en bifacial avec tracking), l’offre mondiale la plus basse a été remportée en octobre 2019 à 14,4€/MWh (lire ce communiqué de DEWA).

Nouveau record en juillet 2020 à Abu Dhabi : un projet de 2 GW avec modules bifaciaux a été octroyé à 11,4€/MWh (lire ce communiqué de EDF).

Par comparaison, une grande installation photovoltaïque fixe arrive actuellement à 50€/MWh, ce qui est déjà performant.

Ces prix très compétitifs du bifacial au Moyen-Orient s’expliquent notamment par un meilleur ensoleillement, des espaces disponibles pour des installations de très grandes envergures – plusieurs GWc, là où les projets européens se limitent à plusieurs MWc – permettant des économies d’échelle, ainsi que la volonté de grands groupes énergétiques de se diversifier et investir dans cette technologie.

En Europe, des projets bifaciaux commencent à se développer et donneront bientôt leurs retours d’expérience.

Avec ou sans tracking, la technologie bifaciale est ainsi promise à un bel avenir. Le graphique ci-dessous indique les prévisions de parts de marché pour les modules et cellules bifaciales d’ici 2030.

Source : Solar Power Europe, Global Outlook Market 2020. 

Comme on le voit, ce marché est prometteur en Europe dans des pays où le terrain est disponible et/ou le rayonnement diffus plus important (Espagne et Norvège). Le potentiel en Belgique, quant à lui, reste limité.

Lire également notre article D’où l’intérêt du bifacial vertical dans l’agrivoltaïsme.

Rejoindre l’IEA et la tâche « Expertise – Outreach »

Vous êtes actif dans le domaine du photovoltaïque en Belgique et vous souhaitez apporter votre expertise au sein de l’Agence Internationale de l’Energie (IEA) ?

La Belgique assure une présence permanente au sein du programme IEA-PVPS via la contribution des 3 Régions. Cette contribution ouvre les portes à toute entreprise, chercheur ou professionnel à participer à l’une des 8 tâches en cours, dont la tâche 1 « Expertise – Outreach ».

Une participation signifie des échanges d’informations, des résultats de recherche, des statistiques, des innovations technologiques et de marché, dans une application du photovoltaïque. Ces échanges internationaux sont ponctués par des meetings, de fréquence bisannuelle, qui permettent d’aller plus loin dans les collaborations.

Pour tout intérêt à rejoindre la tâche 1 de l’IEA-PVPS, veuillez contacter l’APERe qui est le représentant belge en la personne de Benjamin Wilkin : bwilkin@apere.org .