L’irradiation solaire est en hausse depuis bientôt 40 ans en Belgique et a connu un record en 2018. La production photovoltaïque s’en voit augmentée. Voici les explications du phénomène et une estimation des productions solaires attendues pour les prochaines décennies.
L’irradiation solaire a battu de nouveaux records en Belgique en 2018. L’Institut Royal de Météorologie (IRM), qui mesure l’irradiation solaire globale dans le plan horizontal, a en effet mesuré une valeur annuelle de 1172 kWh/m2 à son siège situé à Uccle (Bruxelles). Il s’agit de la valeur la plus élevée mesurée par l’IRM depuis le début des mesures dans les années 1950 (voir Figure 1).
Ce nouveau record ne fait que confirmer les tendances à la hausse depuis le début des années 1980, soit presque 4 décennies. Pour chaque décennie, une augmentation de plus de 40 kWh/m2 a en effet été observée, soit environ 4%.
Le minimum historique a été mesuré en 1981, se situant peu en-dessous de 900 kWh/m2. La valeur moyenne de l’irradiation entre 1981 et 2018 vaut 997 kWh/m2, qu’on peut arrondir à 1000 pour la retenir plus facilement. Ce maximum historique de 2018 représente environ 30% de plus que le minimum de 1981, et environ 18% de plus que la valeur moyenne.
Figure 1 : Irradiation solaire global horizontale annuelle mesurée à Uccle. Source : IRM, 2019.
Depuis 10 ans, le photovoltaïque belge produit plus que prévu
Il y a une dizaine d’années, la productivité énergétique des installations photovoltaïques en Belgique étaient de l’ordre de 850-900 kWh/kWc. En 2018, pour la première fois de l’histoire, cette valeur aura franchi les 1000 kWh/kWc pour l’ensemble des installations photovoltaïques en Belgique (en attente des données officielles à paraître). Certaines installations du territoire ont même franchi la barre des 1200 kWh/kWc, une valeur qui était typique des centrales solaires à Madrid il y a 15 ans.
En conséquence, la plupart des prévisions de production photovoltaïques réalisées il y a 10 ans se sont révélées trop pessimistes. Dans les faits, les installations belges ont produit plus que prévu.
L’augmentation de l’irradiation solaire (et donc de la production) n’est pas spécifique à Uccle, ni même à la Belgique. Des tendances similaires ont été observées depuis le début des années 1980 dans la plupart des pays d’Europe et d’Amérique du Nord.
Pourquoi cette augmentation de l’irradiation solaire ?
C’est vers le ciel qu’il faut regarder pour chercher les raisons de ces tendances. Deux causes principales en sont à l’origine : la quantité d’aérosols présents dans l’atmosphère, et la quantité de nuages, qui dispersent et absorbent la radiation solaire avant qu’elle n’atteigne le sol. Les recherches scientifiques récentes attribuent environ trois quarts des tendances aux aérosols et un quart aux nuages (Wild, 2016).
La vapeur d’eau est l’un des principaux aérosols présents dans l’atmosphère. Certains aérosols proviennent de la contamination de l’air par l’activité humaine, en particulier les dioxydes de soufre, les nitrates d’oxygène (NOx) et les suies, qui résultent pour la plupart de la combustion des énergies fossiles dans les centrales électriques ainsi que dans les moteurs des voitures.
La pollution de l’air a très fortement augmenté dans les pays occidentaux avant 1980, à cause de l’augmentation du parc automobile et de la combustion croissante de charbon dans les centrales thermiques. L’atmosphère s’est donc chargée en aérosols et a été de plus en plus opaque à la lumière du soleil. Ceci a donné lieu à un phénomène appelé assombrissement global, ou global dimming.
Ce phénomène s’observe souvent dans les grandes villes. La Figure 2 montre l’atmosphère qui recouvre une grande ville durant une journée caractérisée par un pic de pollution. On y voit une bande caractéristique de couleur brune dans le bas de l’horizon, qui est provoquée par la dispersion accrue de l’irradiation solaire par les aérosols, en particulier le dioxyde de soufre, les NOx émis par les voitures, et les suies.
Figure 2 : Londres un jour de pic de pollution montrant un horizon caractéristiquement brun.
Un éclaircissement global du ciel
Cette contamination a donné lieu à de nombreux problèmes de santé publique, et en conséquence, les pouvoirs publics ont progressivement rédigé de nouvelles lois pour limiter ces émissions.
La directive 80/779/CEE (Conseil européen du 15 juillet 1980) fut la première directive européenne fixant des valeurs limites et des valeurs guides sur les concentrations de dioxyde de soufre et de particules en suspension dans l’air ambiant, dans le but de protéger la santé humaine et l’environnement. La quantité d’aérosols a diminué, et s’ensuivit alors une période d’éclaircissement global, ou global brightening. Comme le montre la Figure 3, la concentration de dioxyde de soufre dans l’atmosphère en Belgique a diminué depuis les années 1970.
Figure 3 : Diminution du dioxyde de soufre dans l’atmosphère en Belgique. Source : IRCEL – CELINE, 2006.
Notons que l’assombrissement global se poursuit malheureusement en ce moment dans d’autres régions du monde, en particulier les pays en voie de développement comme la Chine ou l’Inde, où les émissions d’aérosols sont en augmentation, surtout à cause de la croissance du parc automobile et de la production d’électricité par centrales à charbon.
Irradiation solaire plus élevée au littoral et plus faible autour des villes
L’irradiation solaire en Belgique est relativement uniforme sur tout le territoire, puisque la Belgique est un petit pays plat. Cependant des différences de quelques pourcents existent entre différents endroits du territoire. Certaines zones jouissent d’une ressource solaire plus élevée, comme le littoral ou le sud de la province de Luxembourg. Ceci est visible sur la Figure 4.
Figure 4 : Irradiation solaire sur l’ensemble de la Belgique. Les valeurs sont données en irradiation journalière moyenne. Source : IRM, 2018.
La Figure 5 présente une superposition des cartes de l’irradiation solaire en Belgique et des zones plus éclairées pendant la nuit, qui sont souvent aussi des zones à plus fortes émissions. On y observe que l’irradiation solaire est généralement plus faible aux alentours des villes que sur le reste du territoire, ce qui est en partie dû à la plus forte concentration d’aérosols dans l’atmosphère.
L’irradiation solaire annuelle mesurée par l’IRM à Uccle est relativement représentative de la Région de Bruxelles-Capitale et de la plupart de la Flandre. Par contre, elle est inférieure de quelques pourcents aux valeurs qui sont typiques en Wallonie et proche de la zone littorale.
Figure 5 : Corrélation entre l’urbanisation en Belgique et l’irradiation solaire. Sources : IRM, 2019 + PlanetObserver, 2013.
Combien produira le photovoltaïque dans les prochaines décennies ?
Au vu de cette tendance à la hausse, quelle irradiation solaire et quelle production énergétique peut-on espérer pour les prochaines décennies ? Combien d’énergie produira pendant sa vie une installation photovoltaïque installée en 2019 ?
Actuellement, très peu d’acteurs du secteur de l’énergie solaire possèdent les connaissances de base nécessaire pour comprendre cette problématique et encore moins y apporter une réponse. Chaque installateur utilise tant bien que mal l’une ou l’autre méthode de simulation, souvent très peu rigoureuse, pour estimer les productions des installations qu’il vend. Jusqu’à présent, peu nombreux sont ceux qui ont remis en cause les méthodes utilisées puisque les productions réelles ont souvent dépassé les espérances. Mais qu’en sera-t-il du futur ? Ces incertitudes sont néfastes pour le développement de la filière photovoltaïque et peuvent potentiellement être couteuses pour le pouvoir public puisque les niveaux d’aides pourraient être mal dimensionnés. Il est donc nécessaire d’apporter une solution concrète à ce problème. Voici quelques pistes à creuser.
Quelles données historiques représentent le futur ?
L’estimation de l’irradiation solaire des prochaines décennies est un exercice complexe et entouré d’incertitudes. Les experts de l’atmosphère considèrent généralement que pour obtenir des tendances significatives du climat, une période d’au moins 30 ans doit être prise en compte.
En conséquence, une pratique courante dans le secteur de l’énergie solaire est de réaliser les études de potentiel solaire sur la base d’un historique de données remontant le plus loin possible, et idéalement couvrant les 30 dernières années. Cependant, les experts en ressource solaire arguent maintenant que cette pratique conduit à des estimations très inférieures à la réalité, puisque l’activité humaine provoque une évolution de l’atmosphère sur des échelles de temps plus courtes, dont les résultats sont typiquement visibles à l’échelle d’une décennie.
Déterminer sur quelle période se baser pour calculer l’irradiation solaire du futur est un vrai dilemme et la recherche scientifique est très active pour tenter d’apporter une réponse précise.
Si on considère trop d’années d’historique, par exemple les 30 dernières années, alors on se base sur une période de temps qui n’est plus représentative du présent et probablement pas du futur.
Si on ne se base que sur les quelques années les plus récentes, on risque de prendre trop peu d’années pour que la moyenne soit statistiquement représentative du climat à attendre dans les prochaines décennies. La variation interannuelle vaut typiquement environ 5%, et elle principalement due à la variation de la couverture nuageuse, donc on pourrait courir le risque de considérer un ensemble d’années qui par chance ont été caractérisé par moins de nuages mais qui ne représente pas la tendance sur le long terme.
Des méthodes statistiques sont actuellement en développement pour déterminer pour chaque endroit quelle est la période de temps la plus représentative du climat des prochaines décennies. En pratique, l’optimum pour la Belgique est souvent de prendre une plage de temps englobant les 10 à 20 dernières années. En appliquant cette procédure, on obtient une valeur d’irradiation pour Uccle qui vaut environ 1050 kWh/m2, ce qui est représentatif de la Région de Bruxelles-Capitale et de la plupart de la Flandre, et quelques pourcents de plus pour certaines autres régions de la Belgique, notamment le littoral et la plupart de la Wallonie. La fourchette 1050-1100 kWh/m2 englobe la plupart des points en Belgique.
L’orientation de l’installation joue-t-elle sur l’irradiation reçue ?
En Belgique, une installation photovoltaïque maximise sa production énergétique annuelle lorsqu’elle est orientée face au sud et que son inclinaison est entre 35º et 40º. Ces inclinaisons sont très pratiques puisqu’elles correspondent en général à l’inclinaison des toits.
Dans cette configuration optimale, une installation photovoltaïque reçoit environ 15% de plus d’irradiation solaire annuelle que dans le plan horizontal (PVGIS, 2019). Pour Bruxelles, l’irradiation attendue pour une installation est donc de 1050 x 1.15, soit environ 1200 kWh/m2. La plupart des installations en Belgique sont orientées entre le sud-est et le sud-ouest, avec une inclinaison entre 20º et 50º. Pour les cas les plus défavorables de ces configurations, l’irradiation solaire reçue vaut quand même 90% ou plus par rapport à l’optimum, donc la perte n’est pas très grande et la marge de manœuvre pour les installations est assez importante, comme le montre la Figure 6.
Figure 6 : Irradiation solaire relative reçue par une surface inclinée par rapport à l’optimum, ainsi que la fraction des installations belges installée dans cette configuration. Source : Leloux, 2012.
Pour l’ensemble des installations photovoltaïques en Belgique, on peut considérer qu’elles reçoivent en moyenne environ 5% de moins que l’irradiation sur le plan optimal, donc environ 1140 kWh/m2, comme l’illustre la Figure 7.
Figure 7 : Pertes de production énergétique d’une installation photovoltaïque en Belgique en fonction de son orientation (%). Source : Leloux, 2012.
La performance de l’installation photovoltaïque joue-t-elle ?
Pour déterminer combien d’énergie une installation photovoltaïque peut produire en fonction de l’irradiation solaire qu’elle reçoit, il faut en connaître sa performance globale, généralement mesurée à travers son ratio de performance, ou Performance Ratio (PR), qui détermine les pertes énergétiques du système photovoltaïque par rapport à un fonctionnement dans des conditions standard d’opération, ou Standard Operating Condition (STC). Ce PR est tel que la production énergétique d’une installation vaut l’irradiation qu’elle reçoit multipliée par sa puissance crête et par ce PR :
Energie produite (kWh) = puissance crête (kWc) x Irradiation solaire (kWh/m2) x PR (%).
Donc par exemple, une installation d’une puissance crête de 1 kWc qui reçoit 1000 kWh/m2 et dont le PR vaut 80%, produit 800 kWh.
Une étude effectuée sur un millier de systèmes photovoltaïques en Belgique en 2012 (Leloux, 2012) avait estimé que le PR typique d’une installation en Belgique était de 80%, ce qui est représentatif du parc photovoltaïque actuellement installé. Cette étude avait également observé que les meilleures installations bénéficiaient d’un PR d’environ 90%, et qu’une partie importante des installations souffraient de problèmes de performance importants qui pouvaient faire chuter leur PR jusqu’à des valeurs d’environ 50%. La Figure 8 montre un histogramme de tous les PR observés.
Figure 8 : Histogramme des Performance Ratio observés sur 1000 installations PV en Belgique. Source : Leloux, 2012.
Les performances des installations photovoltaïques se sont fortement améliorées au fil du temps grâce à l’évolution de la technologie des modules et des autres composants du systèmes, ainsi que l’amélioration des bonnes pratiques d’installation. Une étude allemande, dont les résultats sont montrés sur la Figure 9, a conclu que le PR typique il a y quelques années était de 85% (Reich, 2012), probablement grâce à de meilleurs techniques d’installation qu’en Belgique, puisque le marché y était plus mature à l’époque. L’étude avait également conclu que des PR de l’ordre de 90% sont un objectif ambitieux mais réaliste. Les PR des systèmes photovoltaïques installés en Belgique en 2019 auront probablement un PR typique aux alentours de 85%, et des améliorations de quelques pourcents sont même encore attendues au fil des prochaines années.
Figure 9 : Améliorations du Performance Ratio des installations PV en Allemagne. Source : Reich, 2012.
Combien produiront les systèmes photovoltaïques en Belgique dans le futur ?
Nous pouvons à présent synthétiser les points précédents et les illustrer à travers l’estimation de la production énergétique annuelle moyenne au cours des 2-3 prochaines décennies d’une installation photovoltaïque installée à Bruxelles en 2019. En voici les résultats importants :
- Irradiation solaire plan horizontal : 1050 kWh/m2.
- Irradiation solaire dans le plan optimal : 1200 kWh/m2.
- Performance Ratio typique : 85%.
- Productivité énergétique annuelle pour orientation optimale : 1025 kWh/kWc.
- Productivité énergétique annuelle pour orientation typique : 975 kWh/kWc.