« J’installe des panneaux photovoltaïques sans rien dire » : A malin, malin et demi !

Le tarif prosumer devrait entrer en vigueur le 1er octobre 2020, même si des rebondissements sont encore possibles. Pour éviter ce tarif, certains ménages envisagent de s’équiper en photovoltaïque sans le déclarer. Une idée aussi incivique qu’inutile.

En Wallonie, la saga du tarif prosumer a connu de nombreux rebondissements politiques depuis quasi 8 ans et ce n’est sans doute pas fini. Nous suivons ce dossier de près mais nous ne publions que les informations que nous estimons utiles et pertinentes sur le long terme. 

A ce stade, le Gouvernement wallon annonce l’entrée en vigueur du tarif prosumer au 1er octobre 2020, le temps de mettre en œuvre des mesures d’accompagnement : compensation directe, prime, … (lire ce communiqué). 

Sur le fond, ces mesures compensatoires risquent de susciter un débat politique, car elles seraient financées par l’ensemble des consommateurs d’électricité. 

Or le tarif prosumer vise précisément à rétablir une équité entre tous les consommateurs wallons. 

Des rebondissements sont donc encore possibles. 

 

Un tarif équitable 

 

La CWaPE le répète : le principe de ce tarif est une question de solidarité et d’équité entre tous les usagers du réseau électrique. 

Jusqu’à présent, les prosumers résidentiels (basse-tension) ne contribuaient pas aux coûts du réseau (le compteur tournant à l’envers), alors qu’ils utilisent le réseau lorsqu’ils consomment de l’électricité à un moment où leur installation photovoltaïque ne produit pas ou pas assez d’énergie.  

Ce principe de « compensation » vise à encourager économiquement des citoyens à faire un acte qui est bon pour l’environnement et diminue légèrement certains coûts du réseau. En effet, les bénéfices des émissions de CO2 évitées, de même que la diminution des pertes du réseau et leur compensation liée à l’injection solaire, profitent à tout le monde. 

Mais étant donné que les coûts globaux du réseaux (ainsi que de nombreuses autres taxes) sont financés directement par les tarifs de prélèvement de l’électricité, le coût du réseau est mécaniquement porté par moins de consommateurs, entre-autre lesménages qui ne possèdent pas de panneaux photovoltaïques, ce qui a été considéré comme discriminatoire par la cour de justice de Liège, et est un avis partagé par la CWaPE.  

Le tarif prosumer vise donc à rétablir une équité entre des consommateurs résidentiels basse tension, les prosumers n’étant pas légalement identifiés comme différents des consommateurs « normaux ».  

Notons que d’autres catégories de consommateurs, légalement identifiés comme différents (gros consommateurs industriels en haute ou moyenne tension par exemple), ne contribuent pas de la même manière que le consommateur résidentiel aux frais du réseau. Ils bénéficient de tarifs moindre, justifiés comme soutien à l’économie, et payent donc moins pour le réseau.

Par ailleurs, malgré les inquiétudes de certains prosumers résidentiels, un investissement photovoltaïque reste intéressant même avec ce tarif prosumer (lire notre article Photovoltaïque en Wallonie : calculez la rentabilité de votre installation, avec le tarif prosumer). 

Mais cette saga politique a contribué à amplifier les inquiétudes des prosumers, au lieu d’expliquer les enjeux d’équité, de présenter une vision d’avenir et de les rassurer sur la rentabilité de leur investissement. 

Dans ce contexte et selon plusieurs échos du terrain, nous avons pris connaissance de personnes qui envisagent d’installer du photovoltaïque sur leur toit, sans le déclarer, en espérant éviter ledit tarif prosumer. 

Nous avons contacté la CWaPE ainsi que des gestionnaires de réseau de distribution (GRD) pour connaître les risques de tels comportements. Il en ressort que les prosumers non-déclarés encourent de nombreuses sanctions et se feront toujours pincer. 

 

Un contrevenant se fera toujours pincer 

 

Voici en détail ce à quoi ils s’exposent : 

Tout d’abord, il convient de constater que, ne pas déclarer son installation de production est une infraction à la prescription C10/11 de Synergrid et dès lors une entorse au règlement technique pouvant mener à la suspension de l’accès au réseau de distribution pour l’utilisateur. Cette prescription est connue de tous les installateurs. En premier lieu, elle a pour but d’assurer la sécurité du personnel travaillant sur le réseau, mais elle facilite également une bonne gestion de celui-ci (entre autres la prévention des surtensions). 

De manière plus générale, les Arrêtés du Gouvernement wallon relatifs aux obligations de service public prévoient, en cas de fraude, la coupure du point d’accès « le temps nécessaire à la régularisation de la situation, en ce compris le remboursement de la dette éventuelle résultant de la fraude, des frais de suspension de la fourniture et des frais encourus lors de son rétablissement ».  

La CWaPE considère en effet que toute dissimulation ou déclaration inexacte ou incomplète destinée à éluder tout ou partie de sa facture d’électricité (faux index, non déclaration d’une installation de production, …) relève de la fraude et peut être sanctionné par une coupure.

En outre, toujours selon le régulateur, l’article 54 du décret du 12 avril 2001 relatif à l’organisation du marché régional de l’électricité prévoit que « Les dispositions des articles 523 et 525 du Code pénal sont respectivement applicables aux faits de destruction partielle ou totale des infrastructures de production, transport local, distribution et d’utilisation de l’électricité et aux faits d’empêchement ou d’atteinte volontaire à la transmission de l’électricité sur les réseaux. Ceux qui, par défaut de précaution, auront involontairement détruit ou dégradé des infrastructures de production, transformation, transport local, distribution et d’utilisation de l’électricité, empêché ou entravé la transmission d’électricité sur le réseau, seront punis des peines indiquées à l’article 563 du Code pénal ».  

Ainsi, si l’absence de déclaration devait aboutir à un dommage sur le réseau, il pourrait y avoir poursuites au pénal. Il en irait de même en cas de blessures involontairement causées à un agent du gestionnaire de réseau ignorant l’existence de l’installation au moment de son intervention (article 418 et suivants du Code pénal visant l’homicide ou les lésions involontaires). 

De plus, la CWaPE pourra appliquer le tarif prosumer de manière rétroactive et l’accompagner de mesures voire de sanctions complémentaires dissuadant de tels comportements. 

Du côté des GRD , ceux-ci estiment qu’ils finiront toujours par prendre connaissance de l’installation photovoltaïque non-déclarée lors de la relève de l’index. Ce ménage pourra alors : 

  • Soit démontrer qu’il avait fait les démarches vers le GRD, auquel cas le GRD lui comptera la compensation depuis la mise en service de son installation ; 
  • Soit avouer qu’il ne s’était pas enregistré auprès du GRD, auquel cas il sera facturé sur base d’une estimation jusqu’à ce qu’il se régularise. 

 Au final, le contrevenant risque de perde le bénéfice du mécanisme de compensation entre le début de sa production et sa première relève d’index.